Le terme «émulsion» est souvent galvaudé en cuisine, que ce soit par des chefs amateurs ou renommés. Il repose pourtant sur un concept simple: la dispersion d’une matière grasse liquide dans de l’eau, grâce à un agent tensioactif ou émulsifiant.
Une émulsion est une dispersion de deux liquides non miscibles, c’est-à-dire qui ne se mélangent pas: en cuisine, c’est la dispersion d’un corps gras dans de l’eau ou l’inverse. Le liquide dispersé prend la forme de gouttelettes dans l’autre liquide. Mais ce mélange est instable, sans l’intervention de molécules ayant des propriétés tensioactives ou «émulsifiantes» (comme la lécithine de soja, les phospholipides, la gélatine,…).
Tout l’art consiste à utiliser les bonnes proportions, sinon l’émulsion peut s’inverser et le résultat est alors difficilement consommable!
Au coeur de la chimie de l’émulsion
L’eau est une molécule polaire, c’est-à-dire qu’elle a un pôle chargé positivement et l’autre négativement. La molécule d’huile est apolaire. Elle ne présente pas de zones positive et négative en surface. Elle ne peut donc pas se stabiliser avec les molécules d’eau, car elle ne peut pas créer de liaisons hydrogènes avec celle-ci.
C’est là qu’intervient l’émulsifiant. Cette molécule est amphiphile: elle présente deux parties de caractéristiques différentes, d’une part lipophile (qui retient les matières grasses) et apolaire, et d’autre part hydrophile (miscible dans l’eau) et polaire. Ces molécules vont enrober des gouttelettes d’huile appelées micelles, en mettant à leur contact leur partie lipophile, et disperser ces gouttelettes enrobées dans l’eau.
Plusieurs émulsions sont possibles, à partir du moment où l’on utilise une matière grasse liquide (huile, chocolat fondu, beurre fondu, foie gras fondu,…) dans de l’eau. Il ne faut donc pas confondre émulsionner et mélanger par simple agitation ou avec du gaz carbonique. Emulsionner un jus est une erreur de terminologie, qui est commise par ailleurs par de nombreux chefs, même chevronnés. Mais ce n’est pas tout!
Les mousses ne sont pas des émulsions
L’émulsion d’un jus n’existe pas. En fait, c’est plutôt un foisonnement. Il s’agit de faire mousser afin d’obtenir, non pas une émulsion, mais une mousse. Et une mousse, tel le blanc en neige, c’est léger, aérien, délicat,… alors qu’une émulsion a souvent la lourdeur de la mayonnaise, de la sauce béarnaise…
Pour faire une mousse, il faut 3 ingrédients: de l’eau, un gaz et une substance qui va emprisonner les bulles.
Et généralement, en cuisine, c’est le blanc d’oeuf qui joue ce rôle, lorsqu’il est battu en neige au fouet. Le principe est un peu similaire à l’émulsion, c’est l’ovalbumine et les protéines de l’oeuf qui jouent ici un rôle de tensioactif. En battant le blanc d’oeuf, on dénature l’ovalbumine: les pelotes de protéines se déroulent et s’accrochent entre elles. Elles emprisonnent les bulles d’air, entourées d’une pellicule d’eau. La mousse au chocolat est évidemment la mousse la plus célèbre, mais les bouillons et les fonds réalisés grâce à la gélatine, ou les confitures faites avec la pectine sont aussi des mousses qui foisonnent sans difficulté.
Une mousse n’est donc pas une émulsion, et confectionner une mousse, c’est foisonner un liquide ou, plus simplement, le faire mousser.