Le concept de glucides lents ou rapides basé sur la taille des molécules est obsolète. La notion de «digestion lente», elle, tient davantage d’aspects comme les conditions de fabrication, la cuisson ou la nature même du glucide complexe. Et les études récentes suggèrent qu’opter pour les glucides lentement digestibles est non seulement intéressant pour réguler l’appétit, mais aussi pour la santé à plus large spectre.
Les glucides complexes apportés par les féculents contribuent majoritairement à l’apport énergétique journalier et jouent un rôle prépondérant dans la régulation de la prise alimentaire, notamment en raison de leur pouvoir satiétogène, plus important que celui des graisses.
Les effets bénéfiques des céréales complètes sur la santé sont de mieux en mieux documentés, même si les composés bioactifs impliqués et les mécanismes sous-jacents ne sont pas toujours élucidés. Une consommation élevée de céréales complètes a été associée à un moindre risque:
- de prise de poids et d’obésité
- de diabète de type 2
- de maladies cardiovasculaires
- de cancer colorectal
Un effet similaire des légumineuses sur les maladies cardiovasculaires a été rapporté4. Résumer ces bienfaits à la seule action des fibres est cependant réducteur. Ainsi, les glucides lentement digestibles (GLD) peuvent être différenciés des glucides rapidement digestibles: les premiers génèrent un passage plus lent des monosaccharides dans le sang, et donc un pic moins important de la glycémie, favorable à la santé.
Au coeur de l’amidon
Nombreuses sont les sources de glucides complexes dans les régimes des différentes populations du globe: pain, riz, pâtes, manioc, pommes de terre, maïs, blé, haricots secs,…
Chacune d’entre elles affiche des teneurs différentes en GLD, liées à l’accessibilité de l’amidon par les enzymes, à son degré de gélatinisation, à la taille des particules ingérées, au rapport amylose/amylopectine,… Dans ce dernier cas, il faut rappeler que plus un amidon est riche en amylose (blé et maïs, par exemple), plus lente sera sa dégradation dans le tube digestif. à l’inverse, un amidon riche en amylopectine (comme la pomme de terre) sera plus facilement hydrolysable, donc transformé en sucres assimilables.
Mais, au-delà de l’origine botanique de l’amidon, les procédés de fabrication ont un effet majeur sur le degré de gélatinisation de l’amidon et donc sur la teneur en glucides lentement digestibles des produits consommés, ainsi que sa «résistance» à l’estomac et aux enzymes. Une humidité faible, couplée à une cuisson à température et pression basses, préserveront l’amidon d’une gélatinisation trop importante et conduiront à des aliments amylacés riches en glucides lentement digestibles. On parle dans ce cas d’un glucide à index glycémique bas à modéré, qui possède un haut pouvoir satiétogène.
Si cette notion est largement utilisée internationalement, elle a aussi ses détracteurs et ses marqueurs alternatifs (charge glycémiante, index insulinique,…). Dans les faits, elle a surtout un intérêt si on l’utilise pour comparer des aliments de même catégorie, comme les produits céréaliers entre eux, ou étendus à tous les produits riches en amidon (féculents, légumineuses,…), ou bien comme les fruits les uns par rapport aux autres.
Les féculents ne font pas grossir!
Il est difficile de parler d’amidon et de féculents sans évoquer le poids corporel, notamment avec le succès des régimes low-carb, qui éludent complètement le concept de glucides lentement digestibles. Alors que dans un régime, l’ennemi reste avant tout la faim, face à la réduction drastique des apports énergétiques.
Les derniers résultats de l’étude française NutriNet-Santé (la version belge francophone n’a été lancée que récemment) montrent la nécessité d’augmenter la consommation de féculents, et tordent le cou à l’image ancienne des féculents qui «font grossir». Dans les faits, les féculents, le pain, les pommes de terre, les pâtes et le riz ne représentent aujourd’hui que 43% des apports énergétiques des Français. La consommation de féculents en France reste donc insuffisante, probablement aussi du fait d’une image qui reste négative.
Les apports en féculents observés dans l’étude sont ainsi de 257 g par jour en moyenne, et 1/3 des hommes et 2/3 des femmes ont des apports en féculents inférieurs à la recommandation du PNNS, la recommandation la moins bien connue de toutes. En particulier, la consommation de féculents est bien inférieure aux recommandations chez les sujets ayant pratiqué un ou plusieurs régimes amaigrissants ou en surpoids…
L’IG élevé active la récompense cérébrale
On sait encore peu ce qui se passe dans le cerveau lorsque différents types d’aliments sont consommés. On sait cependant que certaines régions du cerveau régies par la dopamine vont jouer un rôle clé dans la récompense. Ce point se vérifie avec les aliments riches en glucides et notamment, en fonction de l’index glycémique, bref de la digestibilité des glucides.
Les chercheurs du Boston Children’s Hospital, du Beth Israel Deaconess Medical Center, Brigham and Women’s Hospital, de la Harvard Medical School et de l’Université d’Ulm ont scanné le cerveau de 12 participants randomisés, âgés de 18 à 35 ans, en surpoids ou obèses mais en bonne santé, pour examiner les effets de l’IG sur l’activité cérébrale. Les participants ont reçu de façon aléatoire soit un repas avec des glucides à IG élevé, soit un repas avec des glucides à IG bas, suivi 4 heures plus tard d’une IRM fonctionnelle.
Celle-ci révèle, après un repas à un IG élevé, un débit sanguin plus élevé dans les zones du cerveau associées à la «récompense et au désir», en comparaison d’un repas à IG bas. Pour les auteurs, ces résultats suggèrent que les aliments à IG élevés peuvent favoriser les fringales et induire des envies de la même manière que certaines substances, comme la nicotine, par exemple.
Ce phénomène n’est pas encore totalement éclairci, mais toujours selon les auteurs, de récents travaux ont démontré que de petites baisses du niveau de glycémie mettent en mouvement des mécanismes d’adaptation cérébraux qui régulent le désir d’aliments riches en glucose. En réponse à une baisse de la glycémie, le cerveau «enclencherait» le désir de consommer des aliments qui pourront rétablir les niveaux nécessaires. Une activation qui serait déréglée chez les personnes obèses.
Des glucides lentement digestibles plus efficaces le matin
Si la nature des glucides et leur procédé de fabrication influencent leur rapidité de digestion, le timing de la consommation d’un repas riche en glucides modifie différemment lui aussi le rythme diurne de la glycémie post-prandiale. Dans une récente étude randomisée en cross-over7, 10 individus en bonne santé ont consommé soit un repas à faible IG (37), soit un repas à IG élevé (73) à deux moments bien distincts de la journée: 8h du matin et 20h. Des prélèvements sanguins ont été effectués en post-prandial, après 2h.
L’aire sous la courbe post-prandiale du glucose montre un effet significatif de l’horaire après les 2 repas. Si l’IG du repas semble peu affecter la glycémie post-prandiale de manière différente le matin, il n’en va pas de même du soir! Le repas à IG bas augmente plus fortement la réponse glycémique, simplement parce que cette période de la journée est associée à une sensibilité à l’insuline plus élevée. En d’autres termes, les aliments à IG bas ou lentement digestibles auraient davantage d’intérêt le matin que le soir et il serait préférable de ne pas consommer le repas du soir trop tard, indépendamment de l’index glycémique.