Avec l’augmentation de l’espérance de vie et le vieillissement de la population, la santé osseuse est propulsée au rang des grands défis sanitaires. Les influences exercées par la nutrition sont nombreuses et diverses. Mais quels sont les nutriments qui ont véritablement apporté la preuve de leur contribution à la santé osseuse?
De nombreuses substances présentes dans les aliments sont susceptibles de jouer un rôle favorable pour la santé de l’os, mais avec des niveaux de preuves très divers. Les nutriments qui ont un effet reconnu dans l’Union Européenne et qui peuvent faire valoir une allégation de santé relative à cet effet sont actuellement au nombre de neuf. Parmi eux, certains sont plus préoccupants que d’autres, en fonction du degré de couverture des apports recommandés.
Calcium
Il joue un rôle structurel important dans l’os. Un apport adéquat durant l’enfance et l’adolescence est requis pour atteindre un pic de masse osseuse maximal, ce qui constitue un déterminant important du statut minéral osseux plus tard dans la vie.
Pour l’EFSA, la croissance, le développement et le maintien osseux sont liés à la quantité de calcium ingérée. Les apports recommandés en calcium ont été définis pour chaque âge, précisément en vue d’assurer la croissance, le développement et le maintien des os. L’EFSA considère qu’une relation de cause à effet a été établie entre l’apport alimentaire en calcium et le maintien d’os normal et de dents normales. L’apport en calcium pose problème dans des sous-groupes de la population en Europe, en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées.
Magnésium
Des 25 g de magnésium que compte un organisme adulte, une bonne moitié se trouve dans les os et les dents. Un tiers du magnésium du squelette est mobilisable, est c’est cette fraction qui sert de réservoir pour maintenir une concentration normale de magnésium extracellulaire. Le magnésium ne fait pas partie intégrante des cristaux d’hydroxyapatite, mais il est adsorbé à leur surface.
Chez l’animal, la déficience en magnésium diminue la solidité et le volume des os et altère le développement osseux. Chez l’homme, la déficience en magnésium provoque l’hypocalcémie et des anomalies de la vitamine D. Le Panel de l’EFSA considère qu’une relation de cause à effet entre l’apport alimentaire en magnésium et le maintien d’os normaux est établie. Les rares données disponibles suggèrent que les apports en magnésium sont souvent suboptimaux.
Manganèse
Les enzymes glycosyltransférases et xylosyltransférases, qui interviennent dans la synthèse de protéoglycanes, sont sensibles aux apports et au statut en manganèse chez l’animal. La déficience en manganèse interfère avec le développement squelettique dans différentes espèces animales. Les très rares cas de déficience en manganèse chez l’homme, induits dans des conditions expérimentales, font état d’une altération du développement et de la croissance osseuse.
Le Panel considère qu’une relation de cause à effet entre manganèse alimentaire et maintien d’os normaux est établie. Toutefois, il précise qu’à la lumière des données disponibles, rien ne permet d’établir que l’apport en manganèse dans la population européenne soit inadéquat pour le maintien d’os normaux. Le manganèse a donc un rôle bien documenté dans l’os, mais ne constitue pas une priorité nutritionnelle.
Phosphore
C’est un composant structurel de l’os. Parmi les 600 à 900 g de phosphore d’un organisme adulte, 80 à 85% sont présents sous forme d’hydroxyapatite. Le phosphore inorganique rentre et sort de la matière minérale osseuse de deux façons: par échange ionique et par l’activation de la résorption osseuse.
Un apport adéquat en phosphore durant l’enfance et l’adolescence est nécessaire pour atteindre un pic de masse osseuse maximal chez les jeunes adultes. Le remodelage sur tissu osseux est lent, mais l’échange ionique dynamique permet le maintien des concentrations de phosphore inorganique et de calcium dans le sang et les fluides extracellulaires.
Le Panel estime qu’une relation de cause à effet entre l’apport alimentaire en phosphore et le maintien d’os normal et de dents normales est établie. Toutefois, comme dans le cas du manganèse, il attire l’attention sur le fait que rien n’indique que l’apport en phosphore dans la population européenne soit inadéquat pour le maintien d’os normaux.
Vitamine C
Son rôle dans la santé osseuse tient au fait qu’elle est un cofacteur de trois enzymes différentes, qui catalysent l’addition du groupement hydroxyle à la proline et la lysine de la molécule de collagène, contribuant ainsi à stabiliser sa structure en triple hélice. La formation normale de collagène est requise pour la structure normale de plusieurs tissus, dont l’os et le cartilage. Le scorbut, maladie de carence en vitamine C, est caractérisé par des signes cliniques attribuables à l’altération de la synthèse du collagène, dont les dommages osseux font partie.
Le Panel conclut qu’une relation de cause à effet entre l’apport alimentaire en vitamine C et la formation normale du cartilage est établie.
Vitamine D
Son rôle dans la croissance, le développement et le maintien des os est reconnu de façon consensuelle. Elle est requise pour permettre une absorption efficace du calcium et pour maintenir des concentrations sanguines normales de calcium et de phosphore, condition essentielle à une minéralisation normale de l’os. Un apport adéquat est nécessaire pour atteindre un statut en vitamine D permettant une minéralisation normale de l’os au cours de l’enfance et de l’adolescence, et le maintien des os plus tard dans la vie. Un apport insuffisant en vitamine D réduit l’accrétion minérale chez l’enfant et l’adolescent, et accélère la perte osseuse chez l’adulte et la personne âgée.
Des apports recommandés en vitamine D ont été établis à chaque âge pour rencontrer les besoins de croissance, de développement et de maintien des os et des dents. Le Panel reconnaît l’existence d’une relation de cause à effet entre l’apport alimentaire en vitamine D et le maintien d’os normaux. Un apport suboptimal en vitamine D est monnaie courante dans de nombreuses contrées européennes, dont la Belgique, en particulier durant les mois d’hiver.
Vitamine K
Elle fonctionne comme cofacteur dans la carboxylation post-translationnelle de plusieurs protéines osseuses, parmi lesquelles la plus importante est l’ostéocalcine. Celle-ci joue un rôle dans le contrôle de la minéralisation du tissu osseux et le turnover du squelette.
Certaines données épidémiologiques rapportent qu’un statut bas en vitamine K est associé à l’ostéoporose, à l’ostéopénie et à un risque accru de fractures. Dans certains essais d’intervention, la supplémentation en vitamine K1 et K2 réduit la perte osseuse, et la supplémentation en K2 réduit le risque de fracture (principalement dans les populations japonaises).
Bien que toutes les études n’aillent pas dans ce sens, le Panel de l’EFSA estime qu’il existe une relation de cause à effet entre l’apport alimentaire de vitamine K et des os normaux. La vitamine K n’est cependant pas une priorité nutritionnelle, notamment en raison de la contribution importante de la synthèse endogène par les bactéries intestinales.
Zinc
C’est un cofacteur essentiel pour des enzymes impliquées dans la synthèse de divers constituants de la matrice osseuse. Le zinc joue également un rôle important dans la régulation du dépôt et de la résorption osseuse, et un rôle structurel dans la matrice osseuse, où il se retrouve complexé au fluor dans les cristaux d’hydroxyapatite. Il est aussi requis pour l’activité des ostéoblastes, et promeut la minéralisation au travers de son rôle de cofacteur de la phosphatase alcaline. La déficience altère la synthèse d’ADN et le métabolisme protéique, ce qui affecte la formation osseuse. La concentration en zinc des os est diminuée en cas de déficience en zinc.
Le Panel estime qu’il existe une relation de cause à effet entre l’apport alimentaire en zinc et le maintien d’os normaux. Il précise cependant que rien n’indique que l’apport en zinc ne soit pas approprié au maintien des os dans la population générale en Europe.
Protéines
Les protéines sont essentielles pour permettre la croissance et le maintien des os. Chez l’homme, leur contribution à la croissance est relativement faible par rapport aux besoins de maintenance, sauf au très jeune âge. À partir de 18 ans, le dépôt osseux n’accapare que 1 à 3% des besoins totaux en protéines, contre plus de 15% à l’âge d’un an. Un manque de protéines pendant l’enfance peut altérer la croissance en longueur ou hauteur. Après la survenue du pic de masse osseuse, entre 25 et 35 ans, un apport inadéquat en protéines peut conduire à accroître le risque de perte osseuse et de fractures ostéoporotiques ultérieures.
L’EFSA reconnaît l’existence d’une relation de cause à effet entre l’apport en protéines et le maintien d’os normaux. L’organisme souligne néanmoins qu’il n’y a pas de bénéfice à augmenter la consommation de protéines au-delà de ce que l’on trouve dans une alimentation équilibrée. Étant donné que dans nos populations, la couverture des besoins en protéines est largement dépassée, cette allégation ne présente pas la même pertinence que celles concernant les nutriments plus problématiques.
Au contraire, une alimentation trop riche en protéines, surtout celles d’origine animale, pourrait nuire à la santé osseuse en augmentant la charge acide. Et si les protéines sont importantes pour la croissance dans les premières années de vie, leur excès est épinglé comme facteur obésogène en entraînant un rebond d’adiposité précoce.
EFSA Journal, 2009, 7(9): 1216. International Osteoporosis Foundation (IOF) Report: Osteoporosis in the European Union: Medical Management, Epidemiology and Economic Burden, 2013. Chiffres des 27 Etats membres relevés en 2010. Hernlund E. et al., Archives of Osteoporosis, 1/10/2013; 8: 136.