Caractérisées par une grande diversité d’activité, les enzymes sont des substances protéiques essentielles au bon fonctionnement de l’organisme. Mais qu’on se le dise, leur rôle est loin de se limiter à la digestion! Chacun de ces agents-clés est, en effet, spécifiquement impliqué dans un processus métabolique ou une réaction biochimique. Aussi, quand l’un d’eux vient à manquer ou est présent en trop faible quantité, des troubles de plus ou moins grande importance peuvent se manifester… U tilisées en supplément, les enzymes peuvent aussi s’avérer étonnamment efficaces.
Les enzymes sont de véritables catalyseurs de réactions biochimiques qui interviennent quasiment à tous les niveaux des fonctions vitales de l’organisme. Sans elles, la vie ne serait tout simplement pas possible. Mais certaines semblent néanmoins plus indispensables que d’autres. La problématique des pathologies liées à une déficience enzymatique avérée, comme la phénylcétonurie par exemple (liée à un déficit de la phénylalanine hydroxylase, l’enzyme qui permet la transformation de la phénylalanine en tyrosine), en est une parfaite illustration qui nécessite un traitement médical rapproché. Mais sans aller aussi loin, on peut se demander si des produits de supplémentation enzymatique peuvent avoir une incidence sur certains troubles.
Des milliers d’agents spécifiques
Les enzymes sont des entités particulièrement nombreuses au sein de l’organisme, mais chacune d’elles possède en réalité une activité unique bien spécifique. Ainsi, l’enzyme chargée d’hydrolyser le saccharose en glucose et en fructose au niveau de l’intestin (la saccharase) est incapable de séparer le lactose en glucose et en galactose. Ce rôle incombe en effet tout spécifiquement à la lactase. Il est donc facile à comprendre qu’une enzyme ne peut pas se substituer à une autre. Mais que se passe-t-il alors quand une enzyme vient à manquer? Suivant l’importance de la réaction biologique dans laquelle elle est impliquée, la déficience enzymatique peut faire apparaître des troubles plus ou moins sérieux au niveau de l’organisme.
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Trois catégories d’enzymes spécifiques
- Les enzymes métaboliques sont celles qui assurent les réactions métaboliques cellulaires au sein de chaque tissu.
- Les enzymes digestives sont celles produites tout le long de l’appareil digestif. Elles ont pour mission de dégrader la nourriture pour faciliter l’absorption des nutriments au niveau de l’intestin, et favoriser leur passage dans la circulation sanguine. Les plus connues sont: les amylases, qui dégradent l’amidon, les protéases qui décomposent les protéines, la lipase qui hydrolyse les lipides et la cellulase qui dégrade les fibres végétales.
- Les enzymes alimentaires sont, quant à elles, des enzymes présentes à l’état naturel dans les aliments et qui sont apportées à l’organisme via l’alimentation.
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Quelques intolérances alimentaires
En cas de production insuffisante ou de déficience en enzymes responsables de la dégradation de certains aliments, l’organisme peut développer des réactions d’intolérance alimentaire. Exemple: en cas de déficit en lactase (l’enzyme qui a pour mission de dégrader le lactose présent dans le lait pour en faciliter la digestion), l’organisme développe une véritable intolérance au lait qui se manifeste par des troubles digestifs dus notamment à l’accumulation de lactose non hydrolysé dans l’intestin et à un syndrome de malabsorption (on ne parle évidemment pas ici d’une déficience primaire congénitale). Aussi, en consommant cette enzyme sous forme de supplément (en comprimés ou directement ajouté dans le lait), avant de consommer du lait ou des produits lactés, on peut réduire un problème d’intolérance au lactose. Notons aussi que certains probiotiques (Lactobacillus) produisent naturellement de la lactase et que leur consommation régulière peut améliorer un problème d’intolérance au lactose au long cours. La plupart des suppléments enzymatiques présents sur le marché sont des enzymes à visée digestive composés principalement de protéase, de bromélaïne, de papaïne, etc. qui facilitent la digestion des protéines; de lipase qui aide à dégrader les lipides, de cellulase, d’amylase (amidon) ou de lactase, etc. Tous ces suppléments semblent améliorer la digestion et réduire les sensations désagréables de ballonnements, de lourdeurs, de somnolence après les repas, etc. Mais pour l’heure, les études scientifiques crédibles, trop peu nombreuses, ne suffisent pas encore à apporter toutes les preuves de leur efficacité. Alors que le marché regorge de complexes enzymatiques. La prudence est donc de mise.
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Quelques troubles liés à certaines déficiences enzymatiques
Amylase: allergies et intolérances alimentaires, flatulences, diarrhées, côlon irritable, maladie coeliaque, candidose digestive, etc.
Lactase: troubles intestinaux (ballonnements, gaz, crampes abdominales, diarrhée), symptômes allergiques
Lipase: stéatose hépatique, dyslipidémies, hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, inflammations chroniques, arthrite, perte de lipides dans les selles, psoriasis
Protéase: alcalose sanguine et troubles liés à un état alcalin excessif (anxiété, insomnie, ostéo-arthrite, ostéoporose)
Cellulase: gaz, ballonnements, douleurs intestinales, constipation, etc. (en raison de malabsorption)
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Là où on ne les attend pas forcément
On trouve en revanche plus d’études qui établissent l’intérêt de certaines enzymes dans la réduction de l’inflammation ou la guérison de certaines blessures (diminution du temps de convalescence). Plusieurs études1 montrent par exemple l’effet systémique de certaines enzymes protéolytiques (bromélaïne, papaïne, protéase) sur le processus inflammatoire. Et le journal Clinical Rheumatology rapporte également une étude comparant l’effet d’un produit enzymatique avec un AINS (Anti-inflammatoire non stéroïdien – le diclofénac) sur l’arthrose2. Cette étude randomisée conduite durant 6 semaines sur 96 patients, a montré qu’un complexe enzymatique s’est avéré plus efficace que l’anti-inflammatoire (51,4% vs 31,4%), et qu’il a aussi été mieux toléré. Enfin, une étude hollandaise a également mis en évidence la supériorité d’un complexe enzymatique contre placebo pour traiter une entorse de la cheville (réduction du gonflement et diminution du temps nécessaire à la guérison)3. Les enzymes n’ont donc certainement pas encore révélé tout ce dont elles sont capables et l’avenir sera probablement porteur de plus de preuves scientifiques. Pour l’heure, nous devons inciter les consommateurs à rester prudents face aux arguments davantage «marketing» que scientifiques, mais tout ce qui n’est pas encore prouvé ne relève pas pour autant de l’affabulation.
Éléments perturbateurs de capital enzymatique
Le processus de vieillissement naturel engendre une diminution de production des enzymes digestives. Mais le capital enzymatique total de l’organisme semble également subir l’influence négative d’autres paramètres liés à l’environnement ou au mode de vie. En effet, selon quelques études, le rôle délétère que pourraient jouer certains facteurs environnementaux (pollution, stress, tabagisme, polluants, ondes électromagnétiques, etc.) sur les enzymes métaboliques permettrait d’expliquer l’apparition de certains troubles organiques. Et la profonde modification de nos aliments et l’évolution de nos modes de vie (alimentation transformée, processus industriel de conservation et de cuisson, additifs alimentaires, etc.) pourraient ne pas être étrangères à l’augmentation croissante des déficiences enzymatiques observées.
Références:
1. Bromelain. Monograph., Altern Med Rev., 2010 Dec; 15(4): 361-8. Walker A.F. et al., Phytomedicine, 2002 Dec; 9(8): 681-6.
2. Akhtar N.M. et al., Clin Rheumatol., 2004 Oct; 23(5): 410-5.
3. Kerkhoffs G.M. et al., Br J Sports Med., 2004 Aug; 38(4): 431-5.