À travers leurs choix alimentaires, les consommateurs en disent long sur eux-mêmes. Adopter un mode alimentaire semble une manière de communiquer sur ses propres valeurs.
Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es, voilà un dicton bien connu. Et pour cause, on ne mange pas que pour nourrir son corps! Le choix de nos aliments reflète nos valeurs fondamentales. En mangeant, l’homme exprime aussi son identité. S’il a le choix, il préférera des aliments en accord avec ses croyances et ses principes de vie. Quelqu’un qui se dit vivement préoccupé par le climat optera en priorité pour des aliments de provenance locale, du moins en principe… Car l’homme est aussi plein de contradictions et ne fait pas toujours des choix logiques! Par ailleurs, comme on sait que nos choix alimentaires en disent long sur nous, on pourra se servir de ce moyen pour construire l’un ou l’autre type d’image correspondant à la manière dont on désire s’afficher. En voici quelques exemples parlants.
L’adolescent
L’adolescence est le moment où le lien entre les choix alimentaires et l’image que l’on veut donner est le plus flagrant. À ce moment de la vie, les jeunes sont en quête d’indépendance par rapport à leurs parents et c’est leur groupe de pairs qui prend alors une importance très forte et structure leur vie sociale. Les symboles d’appartenance à ce groupe sont fortement investis par les adolescents. On en retrouve dans leur vocabulaire, leur style vestimentaire, mais également dans leurs choix alimentaires. Une étude récente souligne que les choix alimentaires favorisant un sentiment d’appartenance au groupe sont, en quelque sorte, nécessaires pour la bonne «santé sociale» des adolescents. Malheureusement, ils ne sont pas toujours compatibles avec des choix alimentaires favorables à la santé1. On tombe dans le cliché du fast-food pour faire un pied-de-nez aux habitudes saines que les adultes voudraient qu’on adopte, mais aussi, pour se retrouver entre amis dans une ambiance conviviale où les bonnes manières sont secondaires. Voilà qui constitue un frein social de taille à l’adoption de bonnes habitudes alimentaires à cet âge!
Le bio
À travers le choix d’une alimentation biologique, on peut exprimer différentes choses. Premièrement, que l’on est soucieux de la planète et désireux de limiter l’utilisation d’engrais et de pesticides chimiques afin de ne pas la polluer davantage. Ensuite, que l’on se soucie de sa santé (et éventuellement de celle de sa famille, de ses enfants,…) ou encore, que l’on souhaite un retour aux sources, au naturel et à des méthodes agricoles plus traditionnelles. Souvent, le choix bio s’associe à celui du commerce équitable, signifiant que l’on rejette les méthodes de production massive qui font passer les chiffres de vente avant l’agriculteur et le client. Ce type de choix n’est pas toujours basé sur des faits bien établis. Il reste à prouver que les personnes qui optent pour des aliments issus de l’agriculture biologique sont en meilleure santé que celles qui achètent des aliments issus de l’agriculture traditionnelle… Tout comme le fait que la société qui commercialise des aliments bio serait plus soucieuse du producteur agricole que de faire des bénéfices! Mais qu’importe, le principal élément qui va guider le choix des personnes qui optent pour une alimentation biologique, c’est la manière dont elles perçoivent ce mode alimentaire, qui doit correspondre aussi à l’image qu’elles veulent renvoyer aux autres.
L’écolo
Le profil de consommation écolo a la cote actuellement. Les temps sont aux préoccupations pour la planète, qui porte de plus en plus d’êtres humains et ne pourra, à terme, plus fournir suffisamment de ressources pour nourrir tout le monde. En ces temps de crise financière, écologie rime avec économie, et rencontre un certain succès auprès de la population. Avec un peu d’ironie, on pourrait même dire que c’est la conjoncture idéale pour les radins, qui peuvent aisément maquiller leur vice en se disant gagnés par la vague verte. Plus de honte à avoir, lutter contre le gaspillage alimentaire, baisser le chauffage ou organiser des achats groupés chez des producteurs régionaux bon marché, c’est devenu tendance! Plus sérieusement, les choix alimentaires écologiques sont empreints d’une image responsable, bienveillante et tournée vers le futur, mais ils ne sont pas toujours faits à bon escient. Les personnes soucieuses de l’écologie auront tendance à éviter de consommer des denrées alimentaires importées. Mais il peut être plus énergivore de consommer les denrées cultivées à proximité, si cela demande beaucoup d’engrais ou un local chauffé par exemple. Le mieux est alors de se passer de cette denrée, mais tout le monde n’est pas prêt à abandonner ses habitudes.
Attention aussi aux confusions qui existent entre le choix bio et le choix écolo. Le bio est certes soucieux de l’environnement, mais certaines cultures biologiques comme le coton par exemple, requièrent bien plus d’eau que leur version classique. Or, l’eau est une ressource précieuse et s’avère plus nécessaire aux hommes qu’aux cultures alimentaires… Il serait plus écolo d’opter pour des vêtements en fibres synthétiques qu’en coton bio.
Enfin, notons que certains choix alimentaires écolos, comme le fait de manger moins de viande, ne sont pas encore plébiscités par les consommateurs, qui privilégient plutôt l’achat de denrées peu emballées2. L’écologie semble donc une affaire compliquée!
Le branché
Enfin, par ses choix alimentaires, une personne peut aussi vouloir être à la page et surfer sur les dernières tendances. En résultent des choix qui peuvent paraître très éclectiques: une fois, c’est un aliment fonctionnel qui est sous les feux de la rampe, une autre, une boisson énergisante, ou encore un nouveau produit lancé par une marque à grand renfort publicitaire. Une personne peut ainsi se donner une image de consommateur moderne et dans le coup, en réservant depuis son smartphone dernier cri, une place dans un restaurant huppé qui met des insectes à sa carte. Voilà qui peut, en partie, expliquer pourquoi de nombreux produits ne font pas long feu dans notre paysage alimentaire: une fois l’effet de nouveauté passé, ils n’intéressent plus grand monde.
Références:
1. Stead M. et al., Soc. Sci. Med., 2011;72:1131-9.
2. Tobler C. et al., Appetite, 2011;57:674-82.