Le chocolat est-il bon pour le moral? C’est en tout cas souvent un aliment refuge en cas de stress. Mais que connaît-on réellement de ses effets sur le moral, l’humeur, voire la dépression? Plusieurs pistes voient le jour pour tenter de mieux cerner les effets de cette «nourriture des dieux».
Le chocolat fait partie de ces aliments qui, au fil des siècles, se sont vu attribuer bon nombre de vertus. Met gras et sucré par excellence, ce qui en fait un aliment culpabilisant dans le contexte obésigène, le chocolat se distingue aussi par une composition très complexe, due surtout à ses nombreux composés phénoliques issus de la partie maigre du cacao (et qui ne se retrouvent donc pas dans le chocolat blanc).
Les flavonoïdes du cacao ont été associés à des bénéfices dans le domaine cardiovasculaire, notamment par des effets sur la pression sanguine, la fonction endothéliale, la réduction de marqueurs de la thrombose, de l’oxydation et de l’inflammation. Plusieurs alcaloïdes, dont la théobromine, sont aussi susceptibles d’influencer le fonctionnement cérébral et le métabolisme neuronal.
Chocolat et dépression
On accorde volontiers au chocolat un effet «anti-déprime». Mais les affinités que présentent chocolat et dépression restent cependant encore très obscures. Des chercheurs de l’Université de Californie à Davis et San Diego ont examiné la relation entre la consommation de chocolat et l’humeur de 931 femmes et hommes ne prenant pas d’antidépresseurs.
Ils rapportent que chez ceux pour qui le questionnaire sur l’humeur traduisait une possible dépression, la consommation de chocolat était plus élevée (8,4 portions par mois) que chez les autres sujets (5,4 portions par mois). Quant à ceux pour lesquels les données suggéraient une dépression majeure, la consommation était encore plus élevée (11,8 portions par mois). Ces résultats ne différaient pas selon le sexe, et ne s’expliquent pas par une différence dans l’apport en énergie, glucides ou lipides.
Parmi les pistes avancées par les auteurs, il y a celle de la dépression qui pourrait stimuler l’attrait irrésistible pour le chocolat, si celui-ci est perçu comme un aliment qui confère un effet bénéfique sur l’humeur. Mais ils n’excluent pas un tout autre scénario, dans lequel ce serait le chocolat lui-même qui contribue à détériorer l‘humeur… Bref, si cette étude montre que la consommation de chocolat est plus élevée chez les personnes avec des symptômes dépressifs, on ne sait pas si elle est la cause ou la conséquence de la dépression.
Flavanols sous la loupe
Une revue récente de la littérature a examiné les pistes par lesquelles le cacao, et plus particulièrement ses flavanols, peut influencer le cerveau et conférer une certaine neuroprotection. Les flavanols du cacao ont un effet documenté sur l’amélioration du flux sanguin, ce qui a récemment fait l’objet d’un avis favorable de l’EFSA pour une allégation de santé. Cette propriété pourrait également expliquer certains effets positifs sur le cerveau, en améliorant la microcirculation. Les flavanols atteignent en effet le cerveau, où ils peuvent stimuler la perfusion cérébrale. Ils favorisent en outre l’angiogenèse, la neurogenèse et des changements morphologiques des neurones, principalement dans la région impliquée dans l’apprentissage et la mémoire.
Les flavanols du cacao ont un effet documenté sur l’amélioration du flux sanguin, ce qui a récemment fait l’objet d’un avis favorable de l’EFSA pour une allégation de santé.
Plusieurs travaux suggèrent qu’un des flavanols majeurs du cacao, l’épicatéchine, améliore différents aspects cognitifs chez l’animal comme chez l’homme. Le chocolat semble induire une amélioration de l’humeur, et est souvent consommé dans des conditions de stress émotionnel. La revue précise aussi que les flavonoïdes du cacao interagissent avec des cascades de signaux impliquant des kinases, conduisant à une inhibition de la mort des neurones provoquée par apoptose sous l’effet de radicaux de l’oxygène.
Les sens entrent en scène
Les flavanols ne constituent cependant qu’une pièce du puzzle pouvant expliquer les effets du chocolat sur le cerveau et l’humeur. D’ailleurs, les effets sur l’humeur tiendraient davantage à ses propriétés sensorielles qu’à l’un ou l’autre composé. On sait qu’une des réponses au stress est la prise de nourriture de haute palatabilité. Plusieurs études ont montré que les individus qui sont dans un état d’humeur négative peuvent utiliser la nourriture comme un moyen de se détourner de leurs émotions négatives, et que le chocolat fait souvent partie des aliments utilisés à cette fin.
Des chercheurs du Centre de recherche Nestlé à Lausanne, ont examiné les effets sur l’anxiété de la consommation de trois différents snacks: du chocolat noir, un snack à base de chocolat au lait et un snack salé (crackers tartinés de fromage). L’étude a été conduite auprès de 62 femmes et 28 hommes âgés de 18 à 35 ans, et consistait à mesurer l’anxiété et les émotions après l’ingestion. L’expérience a été répétée plusieurs fois avec chaque aliment.
Les résultats montrent que c’est après le snack au chocolat au lait que le niveau d’anxiété diminue, mais uniquement chez les sujets les plus anxieux. A contrario, le chocolat noir améliore l’anxiété chez les participants peu anxieux. Les effets sur l’humeur, de même que leur magnitude, sont restés les mêmes au fil des répétitions.
Cette étude suggère donc que les effets de la nourriture sur l’humeur dépendent aussi de l’état d’anxiété initial. L’effet observé chez les personnes avec un niveau d’anxiété élevé pourrait s’expliquer par la nature plus sucrée du snack au chocolat au lait. Quoi qu’il en soit, les effets du chocolat sur l’humeur ne peuvent donc pas être attribués à la richesse en cacao et ses flavanols, et impliquent certainement aussi les aspects sensoriels.