Travail posté, travail en équipe, travail de nuit, travail à pauses,… les horaires de travail atypiques font aujourd’hui l’objet de nombreuses études sanitaires. Elles suggèrent que travailler la nuit peut augmenter significativement le risque de certaines maladies, comme l’obésité et, peut-être surtout, le diabète de type 2.
Plus de 400.000 personnes travaillent la nuit en Belgique, soit environ 15% de la population active. Une forme de travail qui a des répercussions sur la vie sociale, le sommeil, mais aussi et surtout sur la santé du travailleur. Le sujet fait aujourd’hui l’objet de nombreuses études, qui révèlent déjà quelques problèmes majeurs.
Poster fait prendre du poids
Ce n’est pas une surprise, le travail de nuit perturbe le rythme alimentaire et encourage notamment l’anarchie alimentaire. Un comportement qui déteint directement sur le poids comme le montrait déjà une étude australienne en 2011(1).
Dans cette étude cross-sectionnelle conduite sur 2.494 infirmières (1.259 travaillant le jour et 1.235 travaillant de manière postée), les résultats montrent une tendance plus marquée au surpoids avec un horaire décalé. Dans cet échantillon, près de 60% des infirmières étaient en surpoids (31,8% en surpoids et 26,9% obèses). Après ajustement pour différents facteurs confondants, les auteurs ont constaté une association significative avec le surpoids et/ou l’obésité pour les travailleuses ayant un travail posté (+15%), en comparaison des travailleuses de jour.
Un an plus tard, une nouvelle étude sur cet échantillon a été menée afin de mesurer cette fois l’impact réel du travail de nuit sur la prise de poids2. Chez les travailleuses de nuit, on observe bel et bien une tendance significative (+2%), mais uniquement pour l’obésité. Ce phénomène semble toucher l’ensemble des professions à horaire décalé, y compris chez les hommes.
Dans une étude italienne récente3, conduite sur 339 ouvriers (229 travaillant le jour et 110 en travail posté), la relation avec le poids est également claire: le BMI moyen des ouvriers de nuit était de 27,6 kg/m2 contre 26,7 kg/m2 pour les ouvriers de jour. L’analyse par régression logistique souligne le rôle indépendant du travail posté dans l’augmentation du poids corporel (Odds ratio de 1.93). Et le risque s’avère le plus élevé dans la tranche des 35 à 54 ans (Odds ratio de 2.39).
Une seule nuit vers le diabète
Le travail de nuit perturbe le métabolisme et les conséquences sont mieux évaluées aujourd’hui. Une nouvelle étude, menée par des chercheurs de la Harvard Medical School et de la Brigham & Women’s Hospital à Boston, suggère que la nuit modifie significativement la tolérance au glucose. Présentée à l’occasion de SLEEP 20134, le 27ème meeting annuel de l’American Academy of Sleep Medicine et de la Sleep Research Society, cette étude pilote portait sur 13 adultes non-obèses et en bonne santé, sans antécédent de travail posté et plongés dans des conditions expérimentales strictes, en laboratoire.
Pendant deux semaines, en cross-over et de façon randomisée, les volontaires se sont adonnés pendant 3 jours à chaque fois, soit à un travail de nuit, soit à un travail de jour. Ils ont également reçu chacun des repas tests en tout point identiques au jour 1 et au jour 3 de «travail expérimental», afin de mesurer la glycémie et la réponse insulinique. Les sujets devaient manger à 8h du matin (travail de jour) ou à 8h du soir (travail de nuit) et devaient avaler leur repas endéans 20 minutes. Des prélèvements de sang ont été réalisés à jeun, toutes les 10 minutes pendant 90 minutes et toutes les 30 minutes pendant 90 minutes supplémentaires.
Les résultats révèlent des pics sériques de glucose 16% supérieurs durant le travail de nuit, ainsi que des réponses insuliniques 40 à 50 % supérieures, 80 et 90 minutes après le repas. Pour les auteurs de cette étude, il est tout à fait surprenant de voir qu’une seule nuit peut suffire à modifier significativement la tolérance au glucose et la réponse insulinique, deux facteurs impliqués dans le décours du diabète de type 2. Une découverte à confirmer, mais qui pourrait supporter le rôle causal du nombre d’années de travail de nuit dans le développement de la maladie, constaté dans de nombreuses études épidémiologiques dont les célèbres Nurses’Health Study I et II5.
Références:
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Zhao I. et al., J Occup Environ Med, 2011 Feb; 53(2): 153-8.
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Zhao I. et al., J Occup Environ Med, 2012 Jul; 54(7): 834-40.
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Barbadoro P. et al., PLoS One, 2013 May 10; 8(5): e63289.
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SLEEP 2013, Baltimore, 1-5 June 2013.
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Pan A. et al., PLoS Med, 2011 Dec; 8(12): e1001141.
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Salgado-Delgado R.C. et al., PLoS One, 2013; 8(4): e60052.
FIA 20_Septembre 2013