D’un côté, les sucres ajoutés aux aliments et boissons sont de plus en plus pointés du doigt par les scientifiques. D’un autre, de nombreux sucres bénéficient d’une image particulièrement positive auprès du grand public. À juste titre?
Les temps sont durs pour le morceau dur, que ce soit pour le dé de sucre du café, comme pour tous les sucres ajoutés dans les aliments et boissons! Le récent article «The toxic truth about sugar» publié dans le magazine Nature fait ressurgir avec une vigueur nouvelle la problématique du sucre*. Les auteurs ne dénoncent pas la consommation raisonnée de sucres naturellement présents dans les aliments comme les fruits, mais bien l’omniprésence des sucres ajoutés dans notre environnement, et les conséquences désastreuses qui découlent de leur surconsommation.
Délicieux poison
Sont principalement visés le saccharose et les sirops de maïs riches en fructose (high-fructose corn syrup), pas tant pour leur apport en glucose que pour celui en fructose. C’est qu’en dehors (ou en plus) de l’aspect purement calorique des sucres, le fructose présente bien des aspects sombres, dénoncés par Lustig et al., comme le fait d’augmenter les triglycérides sanguins et la résistance à l’insuline suite à la stimulation de la lipogenèse hépatique, de favoriser l’hypertension par augmentation de la production d’acide urique, et donc de jouer un rôle clé dans le développement du syndrome métabolique.
À tel point qu’ils n’hésitent pas à parler des sucres ajoutés comme d’un véritable poison, aussi toxique que l’alcool (qui dérive de la fermentation des sucres), et qui, comme ce dernier, devraient faire l’objet de mesures de santé publique pour en restreindre l’accès et la consommation.
Des noms qui parlent
Mais à côté de cela, de nombreux sucres – qui font pourtant bien partie des sucres ajoutés – bénéficient d’un statut particulier dans l’esprit des gens. C’est encore et toujours le cas du fructose, adulé depuis bien longtemps, et dont le seul nom suffit à faire le lien avec les fruits. Or les fruits, c’est bon pour la santé! Les noms «saccharose» et «glucose», eux, n’évoquent pas un tel lien avec une source naturelle et de surcroît saine, alors qu’ils sont en moyenne tout aussi présents dans les fruits que le fructose. Même leurre pour le sucre de canne complet, dont on vante la richesse en fibres, minéraux, etc. en oubliant qu’il s’agit avant tout de saccharose. Le miel et le sirop d’érable sont, eux aussi, placés sur un piédestal, simplement parce qu’ils ne sont pas façonnés par l’homme.
Sirop de blé et d’agave
On voit aussi apparaître les sirops de blé ou d’autres céréales, dont on ne mesure pas toujours la richesse en sucres (glucose essentiellement). Mais le summum est probablement le sirop d’agave, qui réunit tous les ingrédients pour plaire: il vient d’une plante, en l’occurrence de l’agave, qui ressemble à un grand cactus et dont l’étymologie signifie «digne d’admiration»; il est «exotique», d’utilisation ancienne, ne se trouve pas dans la grande distribution et, bien entendu, est vendu à prix d’or, ce qui ne fait que renforcer sa valeur perçue. Et pourtant, les sucres du sirop d’agave sont constitués à près de 80% de fructose, c’est-à-dire bien plus que les sirops de maïs riches en fructose. Ce fructose dont on découvre le nouveau visage, et qu’il semble aujourd’hui justifié de considérer comme le pire de tous des sucres…
Source : Lustig R.H. et al. Nature, 2012; 29: 27-29.