La principale forme de démence qui fait de plus en plus de ravages dans nos populations vieillissantes pourrait voir sa progression significativement ralentie par des composés issus de l’épicerie, comme le café et la cannelle.
Affection qui altère considérablement la qualité de vie des patients et de leurs proches, la maladie d’Alzheimer est progressive et irréversible, son étiologie est encore floue et elle ne connait pas de réel traitement. Voilà qui motive d’autant plus les recherches sur les facteurs impliqués dans son développement, dont la nutrition.
En marge de l’effet bénéfique reconnu d’une activité physique et cognitive régulière, certaines pistes alimentaires nourrissent des espoirs depuis plusieurs années. C’est le cas d’une alimentation globalement riche en antioxydants et/ou capable de limiter les phénomènes inflammatoires, incarnée notamment par le modèle méditerranéen traditionnel. Certains aliments, par le biais de constituants spécifiques qui ne sont pas encore tous identifiés, semblent à même d’exercer des effets dignes d’intérêt.
Mystérieux café
C’est le cas du café, pour lequel plusieurs études épidémiologiques ont rapporté que la consommation de café et/ou de caféine est associée à un risque plus faible de développer l’affection. Bien que les résultats des études humaines restent à ce jour mitigés, plusieurs travaux effectués chez l’animal supportent l’hypothèse d’un effet protecteur pour le café.
Et comme ces effets protecteurs n’apparaissent pas avec le café décaféiné, on les a un peu vite attribués à la seule caféine. Il est vrai que celle-ci s’est montrée capable, dans les modèles animaux, de réduire le niveau ou le dépôt cérébral de bêta-amyloïde, peptide caractéristique de la maladie d’Alzheimer.
Mais les choses semblent plus complexes et le café n’a pas encore livré tous ses secrets, comme en témoignent les travaux récents menés par une équipe de la University of South Florida1. Elle a comparé, auprès de souris élevées pour développer les symptômes qui miment la maladie d’Alzheimer et de souris normales, les effets de l’administration de café, de café décaféiné et de caféine seule.
Résultats: seuls les animaux exposés au café affichent une augmentation importante du facteur de croissance granulocytaire G-CSF (granulocyte colony-stimilating factor). Cette substance est fortement réduite chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et, selon les auteurs, elle s’avère capable d’améliorer la mémoire des souris Alzheimer.
Action synergique
Ces nouvelles données ne signifient pas que la caféine seule n’a pas d’effet, au contraire, les chercheurs estiment qu’elle agit en synergie avec un autre composé, non identifié à ce jour, présent dans le café. C’est cette synergie qui s’avère capable d’influencer les taux de G-CSF, ces derniers étant positivement associés à la mémoire des souris Alzheimer.
Les chercheurs ont identifié trois voies par lesquelles le G-CSF semble améliorer les performances de la mémoire. Le G-CSF recrute des cellules souches de la moelle osseuse pour pénétrer dans le cerveau et soustraire la bêta-amyloïde, il crée de nouvelles connexions entre les cellules cérébrales et augmente la naissance de nouveaux neurones dans le cerveau.
Le café apparaît comme la meilleure source de caféine pour contrer le déclin cognitif rencontré dans la maladie d’Alzheimer.
Pour le Dr. Cao, premier auteur de l’étude, bien que ces résultats aient été obtenus auprès de souris, le café apparaît comme la meilleure source de caféine pour contrer le déclin cognitif rencontré dans la maladie d’Alzheimer, pour autant que l’on en ingère 4 à 5 tasses par jour. Cet effet ne se retrouve pas avec d’autres sources de caféine telles que des boissons rafraîchissantes, des boissons énergisantes ou du thé. Il rappelle que le breuvage contient, en marge de la caféine, de nombreux ingrédients susceptibles d’influencer les fonctions cognitives, notamment par des effets anti-inflammatoires, et qu’il constitue une source importante d’antioxydants.
Les révélations de la cannelle
La cannelle, déjà bien connue pour afficher des propriétés bactériostatiques et antivirales, fait aussi l’objet d’actualités dans les recherches sur la maladie d’Alzheimer. Dans une étude menée à la Tel Aviv University, des chercheurs israéliens ont exposé des souris à un extrait de cannelle appelé CEppt et obtenu par extraction à l’eau de la cannelle moulue2.
Des animaux génétiquement altérés pour développer une forme agressive de la maladie d’Alzheimer ont reçu cet extrait dans leur eau de boisson, ou de l’eau seule. La même expérience a été conduite auprès de mouches mutées avec un gène humain qui stimule également la maladie d’Alzheimer et réduit leur durée de vie.
Après quatre mois, les chercheurs ont observé un remarquable ralentissement de la maladie. Le niveau d’activité et la longévité des animaux exposés à l’extrait de cannelle étaient devenus comparables à ceux des animaux sains. Pour le Prof. Ovadia, un des auteurs, ces résultats sont dus à l’effet de l’extrait sur la formation de la bâta-amyloïde.
Dans un modèle in vitro, l’équipe a d’ailleurs montré que le CEppt est capable de dégrader des fibres d’amyloïde similaires à celles récoltées dans le cerveau et qui tuent les neurones. Selon les chercheurs, cette découverte ouvre non seulement des portes pour lutter contre le développement de l’affection, mais aussi dans son traitement.
Remède miracle?
Inutile cependant de se ruer sur la cannelle, d’une part parce que ces travaux demandent confirmation chez l’homme et d’autre part parce que les quantités d’extraits utilisées correspondent à plus de 10 grammes de cannelle crue par jour, ce qui n’est pas pour tous les goûts.
Il en va d’ailleurs de même pour d’autres épices qui, à l’instar de la curcumine, ont des propriétés anti-bêta-amyloïde qui pourraient donner un coup de pouce dans une alimentation réduisant le risque de la maladie, mais ne doivent pas être présentées comme un remède miracle – sous prétexte qu’il est naturel- contre cette affection.
- Cao C. et al., J Alzeimers Dis, 2011 ;25(2) :323-35.
- Frydman-Marom A et al., PLoS ONE, 2011;6(1): e16564.