Une nouvelle voie par laquelle l’intestin influence le comportement alimentaire a été découverte. Elle permet de mieux comprendre le phénomène du binge-eating, ou prise compulsive de nourriture. Elle ouvre aussi de nouvelles perspectives pour stimuler la satiété.
Le binge-eating est décrit comme un trouble alimentaire compulsif, ce qui peut laisser entendre qu’il ne concerne que les cas pathologiques. Mais en réalité, nous sommes tous confrontés au mécanisme impliqué dans sa genèse, à savoir la dimension hédonique de l’alimentation. Cette dimension, à distinguer de la dimension purement physiologique liée aux besoins, est de plus en plus présente dans notre vie où l’offre alimentaire est souvent pléthorique. Nous sommes en effet programmés pour apprécier la nourriture dense (donc le gras et le sucré), et chaque fois que nous faisons le choix de manger gras et/ou sucré, notre cerveau nous « remercie » par une décharge de dopamine, qui produit un certain plaisir, certes éphémère, mais que nous apprenons et qui nous pousse à reproduire la situation. Mais à défaut d’avoir de plus en plus de plaisir en mangeant, c’est le contraire qui survient, avec, à la clé, souvent une prise de poids…
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Les endocannabinoïdes favorisent le binge-eating
Mais le cerveau n’est pas le seul impliqué. L’information nutritionnelle qu’il reçoit prend sa source dans l’intestin et est acheminée à la tête par l’intermédiaire du nerf vague. Des chercheurs de l’Université de Paris, dont les travaux sont publiés dans la revue Molecular Psychiatry, ont étudié ce qui se passait chez la souris dans un modèle de binge-eating généré par la fourniture de denrées appétissantes riches en gras et sucre, aux côtés de leurs croquettes habituelles. Les animaux avaient un accès illimité aux croquettes, alors que les denrées plus attrayantes n’étaient données qu’une heure par 24h. Rapidement, les animaux attendaient avec impatience la fenêtre horaire palatale, privilégiant la dimension hédonique.
Les chercheurs ont constaté que dans le comportement de binge-eating, le taux d’endocannabinoïdes périphériques sécrétés par l’estomac et l’intestin augmentait. Conséquence ? Cela inhibe l’axe vagal, et donc réduit la satiété, ce qui conduit à manger plus…
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Une nouvelle voie pour stimuler la satiété
Pour étayer le rôle du système endocannabinoïde dans ce comportement alimentaire compulsif, les chercheurs ont pu montrer qu’en inhibant le récepteur à ces endocannabinoïdes (récepteur CB1), cela active la satiété par le biais du nerf vague, réduirait le phénomène de récompense et, in fine, le comportement alimentaire compulsif.
On a longtemps cru que c’était le seul goût attrayant des aliments gras et/ou sucrés (via des récepteurs spécifiques en bouche notamment) qui était responsable de cette quête du plaisir par la nourriture en vue d’activer le circuit de la récompense. Ces recherches ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques, avec des molécules capables d’inhiber les récepteurs des endocannabinoïdes, mais qui ne franchissent pas la barrière hématoencéphalique afin de réduire les effets secondaires.
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Berland C et al. Molecular Psych 2022. DOI https://doi.org/10.1038/s41380-021-01428-z