Photo : Christian Du Brulle / DailyScience.be
Comme nous le rappelle d’entrée de jeu Nathalie Delzenne, Professeure de métabolisme et nutrition à l’UCLouvain : « L’inflammation est un processus terriblement complexe qui comprend de multiples portes d’entrée et est régi par une diversité de mécanismes physiologiques. Un syndrome inflammatoire résulte donc d’un déséquilibre du système immunitaire qui conduit à la production excessive de cytokines pro-inflammatoires qui peuvent induire des désordres dans différents tissus ou conduire à des maladies. C’est un processus en cascade ! »
Pendant très longtemps, l’inflammation n’était évoquée que dans le cas de maladies inflammatoires articulaires. Ce qui a été largement étendu grâce à l’évolution des recherches puisqu’on sait aujourd’hui que l’inflammation est également présente dans de nombreuses maladies chroniques telles que l’obésité, le diabète ou les maladies cardio-vasculaires pour ne citer qu’elles.
Processus inflammatoires et maladies chroniques
Les recherches ont montré, par exemple, qu’un tissu adipeux qui s’étend de manière un peu trop importante voit le profil de ses cellules immunitaires changer au profit de cellules M1 (des macrophages pro-inflammatoires) qui sécrètent des cytokines pro-inflammatoires, comme l’interleukine-1β (IL-1-beta), le facteur de nécrose tumorale (TNF-alpha) et l’interleukine-6. Une augmentation de cellules M1 qui peut faire le lit de l’insulinorésistance des maladies hépatiques.
Les recherches ont également mis en évidence des liens entre des processus inflammatoires et des désordres cardio-vasculaires, une progression cancéreuse, des désordres de dépression ou des altérations cérébrales.
Toutes ces découvertes ont ensuite ouvert un autre champ d’investigation pour essayer de comprendre comment l’alimentation peut jouer un rôle dans la genèse ou l’apparition de l’inflammation et ses conséquences.
Alimentation et inflammation
Une alimentation est dite pro-inflammatoire quand elle stimule l’inflammation. Elle désigne, le plus souvent, une alimentation déséquilibrée qui fait la part belle aux graisses saturées, aux sucres, qui n’apporte que très peu d’acides gras polyinsaturés de type oméga 3, de fibres et qui s’avère pauvre en sources végétales (des aliments majoritairement riches en substances antioxydantes et anti-inflammatoires, en fibres, etc.), soit des aliments qui jouent un rôle dans le contrôle de l’inflammation2.
« Cependant au vu de la littérature scientifique et bien que certaines études aient montré les propriétés anti-inflammatoires de substances issues de certaines plantes, fruits ou légumes, on ne peut pas restreindre l’alimentation anti-inflammatoire à quelques super aliments composés de ces molécules bio actives. En réalité, c’est bien plus un équilibre alimentaire global sur le long terme qui est à même de gérer un profil anti-inflammatoire et pas quelques aliments anti-inflammatoires. » commente la Pr Nathalie Delzenne.
Entre prévention, corrections et santé
De nombreuses méta-analyses d’études randomisées contrôlées et prenant également en compte toutes les études d’interventions nutritionnelles, ont tenté de faire des liens entre les patterns alimentaires dits « anti-inflammatoires » ou « santé » (c’est-à-dire riches en fruits et légumes, pauvres en boissons alcoolisées, pauvres en graisses saturées, riches en fibres, riches en légumineuses) et la santé. Malheureusement, ces études se heurtent à un problème majeur de qualité ! Contrairement aux études menées dans le domaine pharmaceutique, par manque de financement, toutes ces études ne sont pas suffisamment randomisées, contrôlées et menées à large échelle. Elles ne durent pas assez longtemps non plus et ne rencontrent pas tous les critères d’objectivité Cochrane, par exemple.
De ce fait, il est difficile d’en tirer de réelles conclusions et pour l’heure, on ne dispose pas de recul scientifique suffisant !
Aussi, tout ce que l’on peut dire c’est qu’une diète anti-inflammatoire globale :
- est associée à une faible amélioration des paramètres biologiques en lien avec l’inflammation dans les maladies inflammatoires chroniques1
- n’a pas d’effet démontré à ce jour – positif ou négatif – sur le comportement ou le bien-être, c’est-à-dire sur l’aspect mental1
Il ne faut donc pas avoir peur d’aller vers une diète anti-inflammatoire, mais il faut savoir aussi qu’elle n’occasionnera aucune amélioration au niveau de la santé mentale, au vu de ce qu’on sait actuellement.
« Aussi, pour essayer de voir si les patterns alimentaires ont un réel impact sur la santé au plan global, il faudrait que le financement d’études randomisées, contrôlées et menées à large échelle émane des organisations publiques », ajoute la Pr Nathalie Delzenne.
Pas de miracle
Pour l’heure, rien de miraculeux du côté de la diète anti-inflammatoire ! Le meilleur conseil est d’adopter, au plus tôt dans la vie, des comportements alimentaires corrects et équilibrés qui vont de pair avec l’adoption d’un mode de vie sain dans une approche globale2. C’est ce qui permet simplement d’obtenir des résultats ou d’éviter d’en arriver à développer des maladies chroniques qui, par essence, sont liées à l’inflammation. Les comportements de déséquilibres étant liés aux phénomènes de dégradations et aux processus pro-inflammatoires qui peuvent conduire au développement de pathologies chroniques.
Altération de la barrière intestinale et alimentation
Une alimentation déséquilibrée pauvre en fibres alimentaires notamment conduit aussi à des altérations de la fonction barrière de l’intestin : production de mucus, d’hormones intestinales qui jouent un rôle dans la régulation du transit, altérations des jonctions serrées qui engendrent une perméabilité intestinale, etc. Perméabilité intestinale qui favorise le passage d’éléments pro-inflammatoires du microbiote vers le systémique, comme par exemple dans l’obésité, le diabète, etc. Il n’y a pas que les changements de tissus adipeux qui produisent des cytokines pro-inflammatoires, il y a aussi des changements de perméabilité qui peuvent libérer des molécules dans le sang qui participent aux effets inflammatoires.
Ce qui veut dire qu’en dehors des antioxydants qui sont absorbés dans la partie haute de l’intestin (vit E et vit C) qui jouent de concert avec les acides gras polyinsaturés oméga 3, il faut aussi absolument faire attention à l’écologie intestinale en consommant des fibres alimentaires correctes et peut-être même certains polyphénols parce que ce sont aussi des antioxydants dotés de propriétés anti-inflammatoires qui pourraient jouer sur le microbiote. De plus en plus d’études laissent penser que cela participerait aussi à un effet anti-inflammatoire via les changements microbiens.
En allant de plus en plus loin, la recherche permet de mieux comprendre le processus anti-inflammatoire. On a longtemps cru à tort qu’antioxydant = anti-inflammatoire. En réalité, c’est bien plus complexe que cela. On voit qu’il existe des mécanismes moléculaires très différents d’un type de molécule à une autre.
- La fermentation des fibres alimentaires dans l’intestin conduit, par exemple, à la production de butyrate et d’acides gras à chaîne courte qui jouent un rôle sur les fonctions intestinales qui gèrent la perméabilité intestinale, la fonction de transit, la fonction immunitaire, etc.
- Les acides gras polyinsaturés oméga 3 (poissons gras) absorbés par l’intestin grêle ont des effets systémiques, etc. Aussi quand on ingère ce type de molécules en interaction notamment avec la vitamine E, il y a une production de molécules particulières : des dérivés d’acides gras appelés résolvines qui jouent un rôle anti-inflammatoire.
- Les polyphénols agissent en bloquant le facteur de transcription NF-kB (qui est un processus pro-inflammatoire) et régulent ainsi à la baisse les cytokines pro-inflammatoires et à la hausse les facteurs anti-inflammatoires.
– La diversité alimentaire qui est prônée, est aussi en lien avec la diversité des mécanismes évoqués pour expliquer l’effet anti-inflammatoire –
En conclusion
Croire qu’une molécule miracle pharmacologique unique puisse jouer un rôle anti-inflammatoire à elle seule semble illusoire ! Il ressort des études des mécanismes moléculaires biologiques des fibres alimentaires et d’autres études qu’une approche alimentaire équilibrée globale soit plus favorable car elle permet de jouer sur plusieurs tableaux anti-inflammatoires.
Références :
- Law L, et al. bmjnph 2025;0. doi:10.1136/bmjnph-2025-001257
- British Journal of Nutrition (2024), 132, 898–918. doi:10.1017/S0007114524001405