Les phénomènes inflammatoires occupent une place de plus en plus importante en santé, du métabolisme aux articulations, en passant par l’intestin. La nutrition peut-elle y jouer un rôle et dans l’affirmative quel est le degré de son pouvoir ?
L’inflammation chronique, systémique, de bas grade est discrète, persistante et souvent silencieuse. Elle n’en est pas moins redoutable, tant elle joue un rôle dans la santé.
Elle passe par une activation de faible intensité du système immunitaire, avec notamment des cytokines inflammatoires (IL-6, TNF-alpha, CRP …), un stress oxydatif qui peut conduire à une activation chronique des cellules immunitaires. Elle nuit à la réparation tissulaire et favorise un environnement propice aux lésions et au vieillissement cellulaire. Ses conséquences sont nombreuses, diverses et importantes1: métaboliques (elle favorise notamment l’insulinorésistance, le diabète de type 2, l’obésité…), cardiovasculaire (elle joue un rôle déterminant dans l’athérosclérose), elle est impliquée dans des maladies dégénératives telles qu’Alzheimer et la maladie de Parkinson et dans certains cancers … Ce n’est pas tout : elle joue aussi un rôle clé dans l’arthrite et la santé des articulations en général, avec l’installation d’un cercle vicieux impliquant douleur, inflammation et destruction tissulaire. L’arthrose, longtemps vue comme un problème purement mécanique, est également sous l’influence de l’inflammation de bas grade.
On peut donc se demander si l’alimentation, à côté d’autres facteurs, peut jouer un rôle, favorable ou défavorable ?
La recherche a montré qu’il existe des aliments dits pro-inflammatoires et anti-inflammatoires.
Aliments qui favorisent l’inflammation2 :
- Glucides raffinés, tels que le pain blanc et les pâtisseries ;
- Frites et autres aliments frits
- Sodas et autres boissons sucrées
- Viande rouge (hamburgers, steaks) et la viande transformée (hot-dogs, saucisses)
- Margarine et autres shortenings (corps gras souvent hydrogénés, utilisés en boulangerie-pâtisserie) …
Aliments anti-inflammatoires :
- Tomates
- Huile d’olive
- Légumes à feuilles vertes, tels qu’épinards, chou frisé et chou vert
- Fruits à coque, tels qu’amandes et noix
- Poissons gras, tels que saumon, maquereau, thon et sardines
- Fruits, tels que fraises, myrtilles, cerises et oranges
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L’alimentation méditerranéenne pour boussole
Le modèle alimentaire qui réunit à lui seul toutes ces caractéristiques, et qui est aussi celui qui a été le plus étudié, est incontestablement celui de l’alimentation méditerranéenne. Il se caractérise notamment par une forte composante végétale, peu de viande, de l’huile d’olive pour seule matière grasse ajoutée, et un faible niveau de transformation des aliments.
Depuis de nombreuses années, ce modèle s’est déjà illustré pour ses effets favorables pour la santé, des maladies cardiovasculaires à la démence, en passant par le diabète de type 2. Plus récemment, les recherches ont montré que l’alimentation méditerranéenne avait une influence favorable sur l’inflammation, ce qui pourrait constituer la pierre angulaire de nombreux constats antérieurs sur ses bienfaits…
Les chercheurs ont identifié de nombreux composants qui sont pressentis comme des acteurs dans l’effet anti-inflammatoire de l’alimentation méditerranéenne3, à savoir :
- Minéraux et oligo-éléments : Fer, cuivre, zinc, magnésium… des taux sériques bas ont été associés notamment à des désordres dépressifs majeurs.
- Sel : l’alimentation méditerranéenne contient moins de sel que l’alimentation occidentale, dont la richesse peut créer un stress osmotique à l’origine d’une réponse inflammatoire.
- Huile d’olive : ce corps gras, avec notamment ses polyphénols, a montré des effets anti-inflammatoires par le biais d’interactions entre le tissu adipeux, le foie, les muscles squelettiques et le cerveau.
- Polyphénols et activité neutrophile : certains polyphénols, tels que l’oléacéine, joueraient un rôle dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Or, dans l’infarctus aigu du myocarde, on observe une augmentation des médiateurs neutrophiles, dont l’expression est considérablement réduite par l’oléacéine.
- Lycopène : ce pigment de la famille des caroténoïdes qui donne à la tomate sa belle couleur rouge n’a pas d’activité vitamine A, en revanche, c’est un puissant antioxydant. Il a révélé posséder des propriétés anti-inflammatoires. Mais en réalité il ne doit pas être vu isolément : dans l’alimentation méditerranéenne, le lycopène est associé à bien d’autres composés, à commencer par d’autres caroténoïdes, des constituants de l’huile d’olive comme l’acide oléique, des composées phénoliques… et la présence d’oméga-3.
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L’Index anti-inflammatoire alimentaire (DII)
À ce jour, il n’existe pas vraiment de consensus et de recommandations officielles concernant l’alimentation anti-inflammatoire. Une situation qui laisse la place à de nombreuses approches du sujet, sérieuses ou pseudoscientifiques. En 2009, Cavicchia et al. ont développé pour la première fois un index inflammatoire alimentaire ou Dietary Inflammatory Index (DII)4. Ils s’étaient basés à l’époque principalement sur l’aptitude de ce score à prédire les variations d’un marqueur de l’inflammation, la CRP (Protéine C-Réactive). Cependant, de nombreux scientifiques estiment que les associations entre DII, maladies métaboliques et santé restent inconsistantes. C’est la raison pour laquelle des chercheurs se sont attelés tout récemment à objectiver le DII5. Pour ce faire, ils ont procédé à une recherche de la littérature scientifique sur le sujet publiée depuis janvier 2009 jusqu’à janvier 2025.

Les résultats de cette recherche permettent d’identifier des nutriments anti-inflammatoires, notamment :
- les oméga-3 des poissons gras, des graines de lin et des noix,
- les polyphénols d’aliments tels que baies, thé vert et chocolat noir,
- les antioxydants présents dans les fruits, les légumes et les céréales complètes qui réduisent les marqueurs de l’inflammation,
- les vitamines A et D et certains oligo-éléments.
Cette revue confirme les fondements scientifiques du DII et souligne sa capacité à saisir les interactions complexes des habitudes alimentaires et leurs effets sur la santé dans diverses maladies inflammatoires et métaboliques. Ils estiment que le DII d’un individu permet aux professionnels de la santé d’identifier les habitudes alimentaires pro-inflammatoires susceptibles de favoriser les maladies chroniques, le diabète et le cancer.
Cette revue vient également étayer et renforcer les recommandations nutritionnelles visant à promouvoir une alimentation anti-inflammatoire.
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Sources
- John Hopkins Medicine. Anti Inflammatory Diet: https://www.hopkinsmedicine.org/health/wellness-and-prevention/anti-inflammatory-diet
- Harvard Medical School. Foods that fight inflammation; March 26,2024.
- Tsigalou C et al. Biomedicine 2022;8(7):201. doi: 10.3390/biomedicines8070201
- Cavicchia P P et al. J Nutr 2009 ;139(12) :2365-72.
- Zeb F et al. Clin Nur Open Sci 2029 ;61 :138-161.