Si, dans nos sociétés d’abondance, la suralimentation et la prise de poids sont des préoccupations majeures pendant une grande partie de la vie, la situation devient radicalement différente chez les aînés. La dénutrition est bien moins médiatisée que l’obésité, mais elle n’en est pas moins une réalité qui, avec le vieillissement de la population, gagne du terrain.
En dix ans (de 1999 à 2009), l’espérance de vie s’est accrue de 3 ans pour les hommes (77 ans) et de 2 ans pour les femmes (82 ans). C’est bien, mais cela ne doit pas occulter le fait que bon nombre d’aînés sont, aujourd’hui encore, affectés par la dénutrition. Or, un état nutritionnel adéquat est une condition sine qua non pour le maintien de la santé, et devient un enjeu crucial avec l’avancée en âge, surtout en présence de maladie ou de perte d’autonomie.
La dénutrition est en effet aussi répandue que sous-estimée. Sa prévalence dans les maisons de repos (MR) et les maisons de repos et de soins (MRS) a été évaluée à une personne sur cinq (16% sur base du critère BMI, 20% sur base du MNA).
A la maison aussi
La situation n’est pas meilleure à domicile. D’après l’étude NutriAction menée en 2009 auprès de 50 médecins généralistes et de 70 MR, la moitié des aînés vivant à domicile sont dénutris ou à risque de dénutrition. Seule compensation, la dénutrition avérée est moins fréquente qu’en maison de repos (13% versus 17%). En 2013, les résultats de NutriAction II, collectés auprès de 3.641 personnes âgées de plus de 70 ans, confirment que 45% des personnes ont un véritable risque de dénutrition, et que 12% des personnes dépistées sont en état de dénutrition.
Les causes sont multiples et comprennent une baisse des apports alimentaires ou de la capacité à les utiliser (pour cause de maladie, de problèmes dentaires ou de gencives, de traitement médicamenteux, de troubles de la déglutition,…). Elles peuvent être couplées à une augmentation des besoins nutritionnels à cause d’une maladie ou d’une intervention chirurgicale.
Le Plan National Nutrition et Santé Belge a intégré, dès 2004, le problème de la dénutrition dans ses objectifs stratégiques. En Wallonie, cela a motivé la mise en place d’un Plan Wallon et conduit à une Charte qualité alimentation-nutrition, dont l’application doit permettre, à terme, de déboucher sur un label régional «Qualité- Nutrition» pour les maisons de repos.
La charte poursuit trois objectifs: avoir un référent nutrition dans l’établissement, organiser le dépistage intensif de la dénutrition et faire en sorte que chaque MR déploie une stratégie spécifique. Un guide a également été réalisé pour aider les établissements à élaborer leur propre stratégie.
Pour tester les mesures préconisées par cette charte, l’UPDLF a dépêché des diététiciens pour aider à la mise en place de la charte dans 6 établissements pilotes. Il s’agit de revaloriser l’acte de manger dans sa globalité, chargé de sens, et non exclusivement pour sa fonction nourricière.
Sur le terrain
Quelle est la perception des gestionnaires de maisons de repos à propos de la dénutrition? Il apparaît que le problème est encore largement sous-estimé: les gestionnaires rapportent, pour leur maison de repos, des taux bien inférieurs (6,5% en moyenne) à ce qui est constaté (environ 20%).
Visiblement, il reste du travail: après 4 ans, le taux d’utilisation du MNA dans les MR n’est que de 30%. Les obstacles identifiés pour la mise en place d’un plan dénutrition ne portent pas tant sur le surcoût des intrants alimentaires, que sur le coût des prestations du personnel, en particulier pour le temps consacré au changement des pratiques.
La suggestion la plus fréquemment citée par les gestionnaires, pour améliorer la situation nutritionnelle des aînés en maison de repos, est le financement d’un diététicien par les pouvoirs publics. D’autres pistes évoquées concernent la sensibilisation des familles par l’affichage, la formation des infirmières et des aides-soignantes, et la conception d’une approche spécifique de la dénutrition pour la maladie d’Alzheimer.
FIA 21_décembre 2013
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