Collecter les urines pour fabriquer des engrais azotés plus verts? L’idée fait son chemin, mais se heurte à une question: l’urine peut-elle transmettre la résistance aux antibiotiques de l’ADN de bactéries qu’elle contient? Le risque semble faible.
Cela fait des millénaires que les fermiers collectent les urines de leurs animaux pour fertiliser les sols. À l’heure où se développe l’économie circulaire, l’urine humaine apparaît comme une véritable mine d’or qui ne devrait pas être envoyée à l’égout, mais pourrait être collectée pour lui donner une deuxième vie. Il existe d’ailleurs déjà des projets de recherche dans lesquels de l’urine humaine est collectée par l’intermédiaire d’urinoirs spéciaux, ce qui permet de surcroît de limiter la consommation d’eau.
Mais si l’urine contient bien des substances qui peuvent être récupérées et transformées en produits tels que des engrais, il y a un obstacle important. En effet, l’urine peut aussi contenir de l’ADN de bactéries devenues résistantes aux antibiotiques. Or, cette résistance est susceptible d’être transmise à d’autres organismes si cet ADN se retrouve dans l’engrais.
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L’urine peut-elle transmettre la résistance aux antibiotiques?
Deux études antérieures ont rapporté avoir trouvé de l’ADN résistant aux antibiotiques dans l’urine. Ce qui n’est pas clair, c’est de savoir si cet ADN peut passer dans les microbes du sol, et leur transmettre la résistance aux antibiotiques. C’est pour le savoir qu’une équipe de chercheurs de l’Université du Michigan (États-Unis) a mené ses expériences. Ils ont utilisé une urine «vieillie», qui avait été stockée plusieurs mois dans un récipient scellé. Cette pratique traditionnelle est connue pour augmenter la concentration d’ammoniac, élever le pH et modifier la composition microbienne du liquide.
Ils ont incubé cette urine avec de l’ADN contenant des gènes de résistance à la tétracycline et à l’ampicilline, et constaté que le matériel génétique perdait rapidement 99% de sa capacité à conférer une résistance à une bactérie du sol.
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Une alternative aux engrais azotés
Les chercheurs concluent de leurs travaux que le risque que l’engrais dérivé de l’urine puisse propager la résistance aux antibiotiques est faible. Même si faible n’est pas nul, le constat est plutôt rassurant et pourrait encourager le développement de cette nouvelle filière, qui permettrait en outre de réduire l’utilisation d’engrais azotés. Les chercheurs ont calculé que si les urines de 10% de la population américaine étaient ainsi récupérées et transformées en engrais, cela permettrait:
- d’économiser des millions de litres d’eau,
- de récupérer chaque jour 300 tonnes d’azote et 18 tonnes de phosphore.
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