Longtemps boudées, les céréales complètes sont aujourd’hui présentes dans une gamme toujours plus large de produits, au point de poser parfois des questions sur les quantités réellement mises en oeuvre. Quant à la recherche, elle confirme les avantages pour la santé du grain entier dans des domaines variés, en particulier le diabète de type 2.
Comme dans la plupart des secteurs, l’alimentation a ses effets de «mode», à la différence que celle-ci s’appuie plus souvent sur des acquisitions scientifiques récentes. Dans les années 1990, l’alimentation méditerranéenne est celle qui a le plus souvent occupé les devants de la scène. Aujourd’hui, la santé intestinale et les céréales complètes sont les stars, pour de nombreuses bonnes raisons.
Mais à chaque médaille son revers et dans le cas des céréales complètes, force est de constater les dérives de la dénomination «complet», qui ne fait aujourd’hui pas l’objet d’un consensus officiel tant en Europe qu’aux Etats-Unis.
Le débat est entier sur le complet
Les plus grosses discussions concernent pour l’instant le marché américain, où les céréales complètes sont notamment labellisées par l’industrie sous la forme d’un logo (Whole grain stamp) dans une multitude de références.
Une étude récente montre que, dans la pratique, la présence de ce logo ne garantit pas que le produit estampillé possède une composition nutritionnelle optimale. Pire encore, les recommandations officielles laissent aussi des impressions mitigées et, face aux définitions contradictoires, les consommateurs ont probablement du mal à effectuer les bons choix.
Dans cette étude, des chercheurs de l’école de santé publique de Harvard ont comparé, dans 545 produits disponibles chez les deux plus gros distributeurs américains, les critères à la base de 5 guidelines différents provenant de l’industrie et de sources gouvernementales:
- Whole grain stamp: préconise que le produit contienne au moins 8 g de céréales complètes par portion de 28 g.
- USDA My Plate & FDA Consumer Health Information guide, qui recommandent que le produit complet figure en premier dans la liste des ingrédients.
- USDA My Plate, qui préconise aussi que le produit complet en tête de liste soit sans sucres ajoutés.
- Dietary Guidelines for Americans for a Healthier Life 2010, qui stipule simplement que dans la liste des ingrédients, les grains entiers soient précédés du terme «complet».
- American Heart Association’s 2020 Goals, qui précise que le rapport glucides:fibres soit inférieur à 10:1.
Leur analyse a mis à l’épreuve ces différents critères face à la liste des ingrédients et à la composition nutritionnelle de chacun des produits. Et le bilan est très moyen, voire mauvais.
Les produits arborant le Whole Grain Stamp sont riches en fibres et pauvres en graisses trans, mais ils contiennent aussi en moyenne significativement plus de sucre et de calories que les produits sans logo! La sélection de produits sur la base des trois critères de l’USDA donne aussi des résultats très moyens. Seul le standard de l’American Heart Association donne le meilleur bilan: les produits qui y répondent sont riches en fibres, pauvres en graisses trans, en sucre et sodium et moins caloriques que les produits qui n’atteignent pas le rapport préconisé. Les auteurs de l’étude plaident pour une rediscussion et une redéfinition claire de la mention «céréales complètes» à l’échelon national.
Céréales complètes et diabète de type 2
Une forte relation inverse existe entre la consommation de céréales complètes et le diabète de type 22. L’effet se mesurerait notamment via une diminution de l’apport énergétique, la prévention de la prise de poids et un effet direct sur l’insulino-résistance.
Cette tendance est illustrée une nouvelle fois dans une étude prospective américaine, portant sur le suivi d’une cohorte de 72.215 femmes post-ménopausées non diabétiques, la Women’s Health Initiative Observational Study.
La consommation de céréales complètes était répartie en portions par jour: 0, moins de 0.5, entre 0.5 et 1, entre 1 et 1.5, de 1.5 à 2 et plus de 2. Au terme des 8 ans de suivi, après ajustement pour l’âge et l’apport énergétique journalier, chaque augmentation successive des catégories de portion était associée à une diminution significative du risque de diabète de type 2 (le Hazard Ration était respectivement de 1.0, 0.83, 0.73, 0.69, 0.61 et 0.57). L’étude suggère également que la réduction du risque de diabète est plus marquée parmi les non-fumeurs et chez les femmes qui n’ont pas pris plus de 2.5 kg pendant la durée de l’étude.
Une revue de la littérature dresse quelques recommandations sur la consommation idéale de céréales complètes, sur la base de 11 études prospectives majeures. Premièrement, une consommation de 40 g ou plus de céréales complètes par jour semble être le seuil protecteur. Cela représente l’équivalent d’un bol de céréales petit-déjeuner à base de céréales complètes par jour. Un objectif qui n’est pas atteint par 80% de la population américaine.
Deuxièmement, l’étude attire l’attention sur le rôle probablement critique et protecteur de l’aleurone du grain, trop souvent résumée à son statut de pourvoyeur de fibres insolubles. Celle-ci stocke également des quantités importantes de minéraux (magnésium, zinc), de protéines et notamment aussi l’acide férulique, puissant antioxydant dont les effets favorables sur la tolérance au glucose et l’insuline sont de mieux en mieux documentés.
FIA 19 _ Juin 2013
Références: Mozaffarian R.S. et al., Public Health Nutr., 2013 Jan 4: 1-10. Kim T. et al., Nutr Res, 2011; 31(2): 131-8. Wolfram T. et al., Endocr Pract, 2011; 17(1): 132-42. Nettleton J.A. et al., Diabetes Care, 2010; 33(12): 2684-91. Parker E.D. et al., Ann Epidemiol., 2013 Apr 19. Lillioja S. et al., Biofactors., 2013 Jan 28.