Artificielles ou naturelles, souvent d’origine végétale, les graisses sont largement utilisées dans l’industrie. Au-delà des aspects caloriques, elles posent bien souvent le problème d’un profil en acides gras peu réjouissant. Des huiles hydrogénées à l’huile de palme durable, aperçu de la saga des graisses industrielles.
Hormis pour un petit nombre d’aliments ayant pour vocation de contribuer de manière utile aux apports nutritionnels, la plus grande partie des graisses et huiles utilisée dans l’industrie se choisit en fonction de critères autres que ceux de la nutrition. Il s’agit surtout de conférer aux denrées des propriétés de texture, de consistance et de conservation optimales, et ce à un prix le plus compétitif possible. Le développement de la technique de l’hydrogénation des huiles, au début du XXème siècle, ouvrait une nouvelle voie pour remplacer le beurre, de piètre conservation et, autrefois, rare et cher.
Des huiles hydrogénées…
L’hydrogénation catalytique des huiles permet de durcir, à la carte, des huiles liquides à température ambiante. Ceci en saturant en partie ou entièrement les doubles liaisons au sein des chaînes carbonées des acides gras. Cette technique a été largement utilisée pendant des décennies, sans se soucier des conséquences sur la santé qu’elle pouvait engendrer.
Jusqu’au jour où, vers la fin des années 1980, il a fallu se rendre à l’évidence: les acides gras trans générés lors du processus d’hydrogénation des huiles sont mauvais pour la santé. Ils s’avèrent même plus dangereux que les acides gras saturés, déjà pointés du doigt en raison de leur effet sur le taux de cholestérol. Non seulement les acides gras trans augmentent le taux de cholestérol LDL, mais en plus ils réduisent le cholestérol HDL, et augmentent les triglycérides.
Ce n’est qu’au début des années 1990 que les industriels ont entrepris, pour certaines matières grasses telles que les margarines, une modification des procédés de fabrication, avec pour objectif la réduction des trans. Actuellement, la teneur en acides gras trans de la plupart des matières grasses tartinables et de cuisson retrouvées dans les rayons est très faible (souvent moins d’1%), alors qu’elle atteignait facilement 40% au début des années 1980.
Rappelons que les recommandations nutritionnelles préconisent un apport maximal en trans de 1% de l’apport énergétique total, soit 10 fois moins que la limite supérieure pour les acides gras saturés.
Si les huiles végétales hydrogénées se font plus discrètes dans des aliments, tels que des matières grasses végétales à tartiner, elles sont toujours largement présentes dans les corps gras utilisés pour la confection de viennoiseries, pâtisseries, plats préparés, etc. Et il n’est pas facile de connaître la teneur en acides gras trans d’un croissant ou d’une quiche…
…à l’huile de palme
Contrairement à la plupart des huiles végétales, l’huile de palme, qui provient de la pulpe du fruit du palmier à huile, est concrète à température et très stable. Elle se prête particulièrement bien à la confection d’innombrables préparations industrielles, d’autant qu’elle est bon marché. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle s’impose comme une alternative idéale aux huiles végétales hydrogénées. C’est devenu l’huile la plus utilisée au monde, on la retrouve dans les snacks apéritifs, les pâtes à tarte, les biscuits, les pâtisseries, les viennoiseries, les plats préparés, les quiches, certaines pâtes à tartiner chocolatées, certaines margarines et graisses pour la cuisson, etc.
Comme pour la problématique des acides gras trans, les aspects santé rattrapent l’huile de palme. Non seulement, elle est riche en acides gras saturés (plus de 40% des acides gras), mais surtout, elle contient une proportion élevée des trois acides gras les plus athérogènes, à savoir les C12, C14 et C16. C’est ce qui a amené récemment le Conseil Supérieur de la Santé à émettre un avis incitant à limiter plus particulièrement ces trois acides gras saturés, avec une limite maximale de 8% de l’apport énergétique total, et à déconseiller l’huile de palme. Notons que l’huile de palme existe aussi en version hydrogénée, et que le noyau du fruit du palmier sert à produire l’huile de palmiste, et que toutes deux sont encore plus riches en acides gras saturés athérogènes (AGS-ath).
Alternatives «cosmétiques»
L’huile de palme n’est pas seulement rattrapée par les aspects nutritionnels, mais aussi environnementaux, en raison de la déforestation massive au détriment des palmeraies. La santé de la planète étant un sujet qui commence à influencer le comportement d’achat d’un nombre croissant de consommateurs, il aura fallu trouver une solution: l’huile de palme durable. Cette touche verte est certes mieux pour la santé de la planète, mais pas pour celle de l’homme dans la mesure où, durable ou pas, le profil en acides gras de l’huile de palme ne change pas. Un autre candidat successeur à l’huile de palme est l’huile de coco, mais celle-ci est encore pire d’un point de vue nutritionnel, car 86% de ses acides gras sont saturés!
Juste interprétation
La nature des huiles ne devant pas obligatoirement être précisée dans la liste des ingrédients, les huiles de palme et de palmiste sont souvent reprises sous le terme générique d’«huile végétale». Mais les choses bougent, et dès janvier 2015, tous les produits devront préciser la nature de l’huile. Nombreux sont ceux qui cherchent aujourd’hui à débusquer l’huile de palme, et certains produits n’hésitent pas à utiliser comme argument de vente l’absence d’huile de palme dans leur produit. Mais encore faut-il voir ce qui la remplace: le beurre ou l’huile de coco ne sont pas mieux! Mais surtout, le plus important, ce n’est pas tant la présence ou l’absence d’huile de palme – ou même de beurre – mais la quantité d’acides gras athérogènes qui est finalement apportée par le produit…