L’idée peut surprendre… Et pourtant, il est évidemment tout à fait possible de «cuisiner» un aliment cru, sans le chauffer. Tout est question de technique et de… perspective.
L’objectif d’une cuisson est avant tout d’obtenir une transformation de l’aliment: coagulation des protéines, brunissement par réaction de Maillard, caramélisation, fusion des parois cellulaires végétales… Objectif: modifier le goût, la texture et la couleur.
Le premier élément à prendre en considération est la température. Celle-ci n’est pas nécessairement élevée, puisqu’il est déjà réaliste d’obtenir la cuisson parfaite d’un œuf à la coque à 57°C. Chaque aliment se transforme à des températures différentes, et, mieux encore, chaque aliment peut subir des transformations différentes, selon la température à laquelle on le porte.
Le plus bel exemple est celui des cuissons à basse température où le principe consiste à jouer sur le couple temps/température: une température basse avec un temps de cuisson allongé. La température d’ébullition de l’eau n’est pas non plus un point de référence, dans la mesure où elle permet de coaguler les protéines, mais pas par exemple de rôtir un poulet.
Cuire avec un liquide
La cuisson d’un poisson, d’une viande ou d’un oeuf peut s’obtenir très facilement à température ambiante ou à celle du frigo. Les expériences les plus simples pour s’en convaincre consistent à verser de l’alcool fort sur un oeuf (qui «poche» presque instantanément) ou du vinaigre sur un poisson conservé ensuite au frigo pendant quelques heures…
Ces principes sont appliqués dans la marinade, les ceviche, le poisson à la tahitienne,… Dans les deux derniers cas, le liquide est du jus de citron, alors que la marinade peut laisser libre cours à plusieurs associations, mais toujours avec une base acide (vinaigre, jus de citron,…). Elle est généralement suivie d’une cuisson par échauffement.
Dans le cas du ceviche, la cuisson repose simplement sur le couple acidité/temps qui transforme le poisson en un produit analogue en tout point au poisson cuit, sauf en ce qui concerne l’échauffement… totalement absent. Autre exemple bien connu, la cuisson de l’oeuf à la sauce soja: très répandue en Espagne notamment.
Dans le même état d’esprit, un solide peut aussi aider à «cuire», partiellement ou totalement. Dans du sel, une viande durcit en surface et, en pâtisserie, on «cuit» également un jaune d’oeuf avec du sucre. à nouveau, c’est la transformation de l’aliment, ici la coagulation des protéines, qui est l’objectif recherché dans la préparation.
Cuire en congelant
Très tendance actuellement, la cryo-cuisson est utilisée par plusieurs chefs étoilés du monde entier. Elle est relativement extrême et peu utilisée à la maison… car elle recourt à l’usage de l’azote liquide. Les applications sont assez nombreuses, de façon surprenante: cryo-pochage dans l’huile, cryo-gratins, cryocuissons de viande aux herbes, crème glacée, fausse truffe, gelée de foie gras, hamburgers instantanés parfaitement cuits,…
Cette cuisine de laboratoire culinaire met à profit tous les avantages physicochimiques de l’azote liquide. Facile à stocker sous forme liquide et aisé à verser sur les aliments ou dans un bol, sa viscosité lui permet d’atteindre tous les recoins de l’aliment et crée des petits cristaux qui n’abîment pas la texture. Mais à la différence des autres «cuissons» citées plus haut, la cryo-cuisson est plus souvent associée à des cuissons traditionnelles. On l’utilise par exemple pour réaliser des hamburgers qui sont d’abord cuits lentement saignants, puis trempés brièvement dans l’azote liquide pour geler une fine couche extérieure et, enfin, frits. Résultat: une croûte parfaite et un coeur moelleux.
Cuire à froid, c’est vraiment bon?
En théorie, la cuisson à froid est intéressante dans la mesure où elle évite certains écueils de l’échauffement, notamment d’un point de vue nutritif. En pratique, elle nécessite un bon coup de main et un peu d’expérience dans le dosage des liquides d’immersion notamment, au risque de réaliser une préparation tout simplement immangeable! Comme le disait Anthelme Brillat-Savarin, «de toutes les qualités du cuisinier, la plus indispensable est l’exactitude.»