Au cours des dernières décennies, notre exposition aux micro-organismes a considérablement diminué – une évolution qui s’est accompagnée d’une baisse de la diversité du microbiote intestinal. Une alimentation apportant suffisamment de micro-organismes peut être source de bienfaits, ainsi que l’a révélé le webinaire Dietary Microbes organisé au mois de mars par Yakult Europe. Plusieurs invités renommés y ont pris la parole.
Alors que les maladies transmissibles ont considérablement reculé, la prévalence des pathologies non transmissibles continue d’augmenter. Lors du webinaire, le Prof. Dr Bruno Pot a démontré que cette évolution est la conséquence d’une diminution de notre exposition aux micro-organismes, entre autres. La réduction des contacts avec des micro-organismes pathogènes diminue en effet l’exposition aux divers micro-organismes présents dans l’air ambiant et dans l’alimentation. Ceci n’est pas sans conséquence sur le système immunitaire, puisque ce dernier est de moins en moins sollicité. Les changements environnementaux, la généralisation des mesures d’hygiène et l’augmentation de l’utilisation des antibiotiques en sont les principales causes. La diversité et la densité de notre microbiote intestinal s’en trouvent ainsi diminuées, a indiqué le Prof. Dr Bruno Pot.
Les messages à retenir de Kaitlin Colucci, diététicienne agréée :
- L’ajout au menu d’aliments fermentés peut augmenter l’ingestion de bonnes bactéries, et améliorer ainsi la diversité du microbiote, avec tous les bienfaits pour la santé que cela suppose.
- Les propriétés bénéfiques pour la santé des micro-organismes/probiotiques dépendent de la souche bactérienne, et toute généralisation doit donc être évitée.
- Les études visant à identifier les effets des probiotiques et des aliments fermentés sur la santé humaine sont complexes à réaliser.
- Les aliments fermentés devraient faire partie d’une alimentation saine, variée et équilibrée.
La matrice des aliments fermentés, la clé de leurs bienfaits pour la santé
La fermentation est utilisée, d’une part, pour garantir la sécurité des aliments et améliorer leur conservation, et, d’autre part, pour les propriétés organoleptiques et les effets bénéfiques qu’ils confèrent aux aliments, au terme de ce processus. Si de nombreuses et grandes promesses sont parfois associées à la consommation d’aliments fermentés, le Prof. Dr Paul Cotter est clair : il ne faut pas en attendre un effet miracle. Les aliments fermentés apportent cependant une valeur ajoutée indéniable à l’alimentation.
Même transformés, les aliments fermentés sont encore source d’avantages, affirme-t-il. Car s’ils ne contiennent plus forcément d’organismes vivants, leur matrice reste identique. Et c’est ce qui est le plus important.
- En raison de la dégradation du lactose ou du gluten par exemple, la digestion de l’aliment peut être facilitée.
- La production de métabolites, comme l’acétate et le lactate, peut également influencer positivement le microbiome intestinal.
Les aliments fermentés ne contiennent donc pas forcément de probiotiques. Pour être considérés comme tels, il doit avoir été démontré qu’ils apportent des micro-organismes vivants en quantités suffisantes et qu’ils ont des effets positifs sur la santé de l’hôte. Le Prof. Dr Paul Cotter pointe également des différences majeures entre les divers aliments fermentés disponibles sur le marché. Ceux-ci diffèrent non seulement par leur diversité microbienne, mais aussi par leur mode de production. L’absence de description précise est source de grande confusion dans ce domaine.
Une consommation plus importante d’aliments fermentés serait ainsi associée à une augmentation de la diversité du microbiote intestinal et à une diminution des marqueurs de l’inflammation et de l’activité inflammatoire, comme il ressort clairement du webinaire. Les raisons de cette corrélation sont toutefois difficiles à identifier. Les études sur les aliments fermentés sont en effet complexes, en raison de la grande diversité de cette catégorie d’aliments et de l’absence de dénominations claires.
Plutôt plusieurs souches qu’une seule ?
Le webinaire s’est terminé sur une table ronde générale au cours de laquelle les professeurs Bruno Pot, Paul Cotter et Robert-Jan Brummer ont répondu aux questions du public.
Le kéfir ne doit-il pas être évité en raison de sa teneur en glucides ? Plus il a fermenté longtemps, moins le kéfir contiendra de sucre. Celui-ci pourra même avoir disparu. Les inconvénients de la présence de sucres résiduels sont négligeables face aux avantages apportés par la fermentation.
Ne faut-il pas craindre un cercle vicieux en cas de suppression de certains aliments fermentés et divers légumes et légumineuses, par exemple chez une personne souffrant du syndrome de l’intestin irritable ? Vu l’impact positif de ces aliments sur le microbiome intestinal, il est en effet préjudiciable de rayer pendant une longue période certains aliments de son alimentation. Le suivi d’un diététicien spécialisé est dès lors essentiel pour éviter de supprimer durablement, et surtout inutilement, certains aliments.
Et en cas de non-réponse aux aliments fermentés ? Chaque individu ne retirera pas les mêmes bienfaits de la consommation de probiotiques et/ou d’aliments fermentés. L’on ne sait toutefois pas encore quel aliment fonctionne chez quelle personne. Il existe encore très peu d’études à ce sujet et les études futures devraient aussi se dérouler selon des protocoles différents, ceci précisément pour tenir compte des responders et non-responders, a expliqué le Prof. Dr Robert-Jan Brummer pendant la table ronde.
Faut-il opter pour les probiotiques single strain ou multiple strain ? Voilà bien une question difficile, a poursuivi le Prof. Dr Robert-Jan Brummer. D’un point de vue théorique, on pourrait penser que les probiotiques contenant plusieurs souches microbiennes sont plus efficaces puisque chaque individu profiterait alors des bienfaits d’au moins une souche. C’est oublier que les probiotiques associant plusieurs souches bactériennes ne contiennent souvent pas ces souches en quantités suffisantes. Qui plus est, leur prix est très élevé. Or, si les quantités de micro-organismes sont insuffisantes, elles ne produiront aucun effet. La qualité des études sur la souche bactérienne est également déterminante. Mieux vaut dès lors opter pour une souche probiotique dont les effets positifs sur la santé sont bien documentés, et en ingérer en quantités suffisantes.