La 19e journée d’étude annuelle de l’UPDLF avait pour thème la santé mentale. A cette occasion, le Prof de Timary a fait le point sur les recherches étonnantes qui font du microbiote un acteur important dans la dépendance à l’alcool.
La santé mentale, thème de cette journée d’étude de l’Union Professionnelle des Diététiciens de Langue française – UPDLF – est un défi grandissant. Selon l’OMS, une personne sur huit va souffrir de problèmes mentaux. Et depuis la découverte d’une communication bidirectionnelle entre l’intestin et le cerveau, le microbiote intestinal est l’objet de nouvelles attentions dans la santé mentale. Le Prof Philippe de Timary, psychiatre aux cliniques universitaires Saint-Luc, étudie depuis plusieurs années le rôle du microbiote intestinal dans la dépendance à l’alcool. La perméabilité intestinale est un élément clé, dans la mesure où elle laisse passer des produits inflammatoires, des métabolites issus du microbiote, des fragments de bactéries… qui peuvent agir au niveau cérébral via la circulation systémique. Les premiers travaux à l’origine de ses recherches montraient que les patients alcooliques avec une perméabilité intestinale élevée présentaient des scores plus levés de dépression, d’anxiété…
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Alcool, microbiote et diminution de la sociabilité
Les expériences menées par le Prof de Timary montrent une relation inverse entre perméabilité intestinale et les scores de sociabilité, un facteur de santé important. La transplantation fécale de patients alcooliques chez des souris entraine une réduction de la sociabilité de l’animal, ce qui souligne un rôle causal du microbiote intestinal.
Dans une étude menée par une doctorante, il est apparu que l’alcool prenant une place prépondérante dans l’apport énergétique (environ 40 %), il y a un appauvrissement du régime alimentaire, avec notamment moins de fibres – donc moins de substrats pour le microbiote – une baisse de la sociabilité et une augmentation de l’anxiété.
Sur 46 patients alcooliques en début de sevrage, 16 présentaient une dysbiose. La présence d’une dysbiose à pu être associée à un réseau social plus petit, a moins de connexions et à l’absence de prendre en compte la perspective de l’autre, par rapport aux patients alcooliques sans dysbiose.
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Des changements cérébraux via le microbiote
Poussant les investigations plus loin, dans le cortex frontal et le striatum de souris, le Prof de Timary a pu montrer que les animaux exposés à l’alcool présentaient des changements cérébraux, avec un déficit de myélinisation des cellules nerveuses et la présence d’une inflammation. Ces effets pourraient être en partie la conséquence d’une diminution de la production hépatique de bêtahydroxybutyrate, un composé qui précisément influence la synthèse de myéline. Or, chez les animaux transplantés avec des selles de patients alcooliques, les taux de bêtahydroxybutyrate s’effondrent… Voilà qui pourrait expliquer comment l’alcool, par l’intermédiaire du microbiote intestinal, génère l’addiction : dans la dysbiose alcoolique, certaines espèces bactériennes produisent de l’éthanol à partir du glucose, ce qui va dérégler le foie et entrainer un changement de comportement (baisse de la sociabilité) et amène la personne à boire…
Il y a environ 300 métabolites associés à l’alcoolisme, avec des profils différents. L’idée d’agir à l’avenir de manière ciblée par l’alimentation pour modifie le microbiote intestinal se rapproche…
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Source
19e Journée d’étude de l’Union Professionnelle des Diététiciens de langue Française (UPDLF), Charleroi, 29 septembre 2023.