Mousses, espumas, écumes, chantilly, meringues,… un siphon, et les calories de nombreux mets sont diluées, voire réduites à leur plus simple expression. Plus de détails sur ces cristaux de vents.
Aliments allégés parce qu’essentiellement composés d’air, les mousses et consorts sont abondamment utilisés dans la cuisine moderne et dans l’industrie agroalimentaire. Les uns, souvent pour donner une touche «aérienne» à la saveur d’un plat et les autres, soit pour diminuer l’apport calorique, soit pour des raisons purement économiques (le gaz devient un ingrédient et en remplace donc d’autres), mais plus généralement pour leurs avantages organoleptiques.
Les mousses permettent, par contraste, de mieux percevoir en bouche la texture d’une masse dense (la crème chantilly, par exemple), avec moins de matière, et favorisent la perception des odeurs. Il faut savoir en effet que, dans l’air des bulles, les molécules odorantes sont plus accessibles… puisque volatiles. Bref, les structures «mousseuses» sont intéressantes aussi pour leur absence de matière!
Comment ça marche?
En théorie, réaliser une mousse est un jeu d’enfant. Il s’agit d’une dispersion de bulles de gaz dans une phase liquide. Un phénomène qui peut s’obtenir en cuisine, en usant de l’huile de coude, plus facilement avec un siphon ou, bien sûr, mécaniquement à l’échelon industriel.
Sur un plan physico-chimique, si l’on prend l’exemple classique du blanc d’œuf battu en neige au batteur, c’est une véritable enveloppe complexe et rigidifiée qui se met en place et emprisonne les bulles d’air.
[box type= »note » style= »rounded »]Obtenir un résultat optimal requiert de l’expérience. Cet édifice surprenant est fragile, et le moindre ajout peut rapidement ruiner l’effet attendu![/box]
Les protéines sont d’abord déroulées par le cisaillement du fouet. Elles se dispersent et diffusent à l’interface air-eau, exposant leurs parties hydrophiles dans l’eau et leurs parties hydrophobes dans l’air. Cette réaction diminue la tension de surface et l’énergie nécessaire pour augmenter l’aire de l’interface. En conséquence, le volume des bulles augmente progressivement.
Les différentes protéines de l’oeuf se réarrangent entre elles, forment des complexes et empêchent le drainage du liquide entre les bulles d’air, tant et si bien que l’ensemble forme une masse relativement compacte, visqueuse, avec un minimum de matière et donc, souvent, de calories. Cependant, cet édifice surprenant est fragile, comme le découvrent généralement les apprentis cuisiniers…
La stabilité, un secret bien gardé
C’est l’astuce qui fait la différence chez les grands chefs, ou le défi permanent de l’industriel pour qui l’alchimie de la mousse est un élément déterminant de son produit. De nombreux facteurs entrent en considération.
Un premier élément est l’ajout de sucre, notamment dans les meringues ou dans divers produits aérés de confiserie. La quantité doit être savamment contrôlée, car le sucre accroît la viscosité du liquide et ralentit le drainage des liquides, ce qui a pour effet de stabiliser la mousse et de réduire la taille des bulles, pour un résultat optimal. Obtenir un tel résultat demande de l’expérience, car trop ou trop peu de sucre peut rapidement ruiner l’effet attendu!
Autre élément: la concentration en protéines. On pourrait s’attendre à ce que la relation soit linéaire: plus il y en a, mieux c’est… Dans un premier temps, oui. Les mousses formées avec de fortes concentrations en protéines sont plus fines, plus denses et plus rigides, car les films à l’interface sont plus épais. Cependant, dans ce cas, le temps de battage est plus long! Or, il influence directement la viscosité des mousses. Et c’est ici qu’intervient la patte du grand chef. Un battage insuffisant, et l’appareil ne prend pas. Un battage trop long, et c’est la fluidification: les protéines coagulent davantage, conduisant à des films plus aptes à se rompre.
Les protéines réagissent aussi différemment selon leur nature: les protéines du blanc d’oeuf ne sont pas les mêmes que les caséines du lait. Le choix est donc stratégique!
Patience et coup de main Les mousses présentent de nombreux atouts, tant sur le plan organoleptique, que sur le plan nutritionnel. Elles réclament cependant un certain savoir-faire. Si l’industriel peut compter sur de nombreux subterfuges (dosage et battage contrôlés, émulsifiants, large éventail de protéines,…), pour le cuisinier amateur ou le chef, c’est l’expérience qui fait la différence. Et chacun a son petit secret. Par exemple, pour des meringues allégées, l’ajout d’eau au blanc d’oeuf réduit la concentration en protéines et forme une mousse plus délicate. La cuisson au four doit ensuite s’effectuer à four très doux, pour que le blanc coagule, sans que l’eau ne s’évapore… Le résultat est délectable et peu calorique.