Pré- pro- post ou synbiotiques, les « biotiques » font régulièrement parler d’eux ces dernières décennies en raison des avancées de la recherche scientifique. Mais savons-nous pour autant qui ils sont vraiment ? Quels sont leurs rôles dans l’organisme humain et comment ils influencent la santé ? Pour le savoir, retraçons l’histoire de tous ces biotiques comme dans un biopic !
Au premier rang : les probiotiques bien sûr
Les premières traces de ce qu’on appelle aujourd’hui « les probiotiques » datent de plusieurs siècles avant J.-C. Les aliments comme le lait fermenté, le vin ou la bière résultaient déjà de l’association de bactéries lactiques et de levures. Mais ce n’est qu’au 19ème siècle, grâce à Louis Pasteur, que la science a découvert le rôle des bactéries dans le processus de fermentation lactique (1857). Et en 1863, il a aussi mis au point la pasteurisation. Ce qui a marqué véritablement un pas et donné naissance à la microbiologie. A partir de là, de nombreuses recherches ont été conduites un peu partout dans le monde.
La notion de probiotiques ou « bonnes bactéries » remonte, quant à elle, au début du 20ème siècle. Elle est attribuée au scientifique russe, Elie Metchnikoff, qui reçut en 1908 le Prix Nobel pour ses travaux sur la défense immunitaire et les phagocytes.
Mais ce n’est qu’en 1953 que le terme « probiotiques » (pour la vie) en opposition aux antibiotiques (contre la vie) a réellement été introduit par Werner Kollath, un médecin allemand, qui les a définis comme des « substances actives essentielles à une vie en bonne santé ».
Il a fallu ensuite attendre les années 1990 pour voir apparaître les premières publications des résultats des recherches cliniques et scientifiques sur le sujet. Et ce n’est qu’en 2001 qu’une définition scientifique des probiotiques a été adoptée par la FAO et l’OMS. Elle a évolué ensuite au fil des avancées scientifiques et des recherches notamment sur le microbiote intestinal (auparavant « flore intestinale »).
En 2014, un consensus de l’International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics définissait les probiotiques comme « des microorganismes vivants qui, ingérés en quantité suffisante, confèrent un effet bénéfique sur la santé de l’hôte » (1).
Aujourd’hui, des milliers de publications scientifiques sont consacrées aux probiotiques et on en trouve sous toutes les formes.
Quels rôles jouent les probiotiques ?
Ils permettent d’enrichir l’intestin et contribuent à la santé en aidant à contrôler l’équilibre du microbiote intestinal.
Lire aussi : Les probiotiques débouchent sur l’ère postbiotique
La découverte du microbiote intestinal
Autrefois appelé flore intestinale, le microbiote intestinal a révélé tout son potentiel (génétique et moléculaire) au début des années 2000 et ce, grâce à l’analyse métagénomique.
En deuxième position : les prébiotiques
Le concept de prébiotique, a savoir une « nourriture colique » capable de moduler le microbiote intestinal » n’est apparu qu’en 1995.
Les prébiotiques ont été initialement présentés comme un « genre spécifique de fibres alimentaires stimulant le développement des bactéries bénéfiques dans l’intestin ».
On a ensuite tenté de les définir suivant leur capacité à favoriser l’augmentation des populations intestinales de bactéries bénéfiques pour la santé en se concentrant essentiellement les espèces Bifidobacterium et Lactobacillus.
Les prébiotiques ont été caractérisés en 3 types:
- l’inuline (un polysaccharide naturellement présent dans de nombreuses plantes),
- les fructo-oligosaccharides (FOS : des oligosaccharides présents dans certains aliments ou produits industriels)
- et les galacto-oligosaccharides (GOS : un oligosaccharide présent dans certains végétaux et produit à partir du lactose).
Ensuite il est apparu qu’il valait mieux ne pas se focaliser uniquement sur deux espèces (lactobacilles et Bifidobactéries), car de nombreuses études sur le microbiome humain ont mis en évidence qu’elles n’étaient pas les seules espèces à avoir des effets positifs sur la santé.
Si bien qu’aujourd’hui, 12 scientifiques se sont mis d’accord pour définir les prébiotiques de la façon suivante (2) :
Un prébiotique est « un substrat qui est utilisé sélectivement par les microorganismes de l’hôte exerçant un effet bénéfique sur la santé ».
Ce qui ouvre la porte à de nombreux autres substances à côté de l’inuline, des FOS et des GOS pour autant que les recherches scientifiques prouvent leurs bienfaits pour la santé à travers les activités métaboliques des microbes dans ou sur le corps.
En effet, pour qu’un ingrédient soit considéré comme un prébiotique, il doit répondre à 3 critères (Davani-Davari et al., 2019) :
- Il doit être résistant au pH acide de l’estomac, ne peut pas être hydrolysé par les enzymes de mammifères et ne doit pas être absorbé dans le tube digestif supérieur.
- Il peut être fermenté par le microbiote intestinal.
- La croissance et/ou l’activité des bactéries intestinales peuvent être sélectivement stimulées par ce composé, et ce processus doit améliorer la santé de l’hôte.
Rappelons que les prébiotiques sont naturellement présents dans de nombreux aliments comme les légumes (oignon, ail, topinambour…), les fruits (banane…), les céréales (blé, orge, avoine…) et la chicorée, qui sert à produire l’inuline et es FOS,
Des prébiotiques sont ajoutés à certains aliments comme des yaourts, des céréales, du pain et certaines boissons.
Quels rôles jouent les prébiotiques ?
Ils nourrissent et stimulent les bactéries « saines » qui peuplent notre intestin.
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Ensuite … place aux postbiotiques
Découverts assez récemment (2013), les postbiotiques font l’objet de nombreuses recherches à l’heure actuelle. On pourrait les considérer comme des substances issues de probiotiques.
La définition scientifique est aujourd’hui la suivante : une « préparation de micro-organismes inanimés et/ou de leurs composants conférant un bénéfice pour la santé de l’hôte » (3).
Le processus d’inactivation, la caractérisation de la souche et la validation de la souche doivent cependant être décrits et le bénéfice pour la santé de l’hôte doit être démontré.
Les postbiotiques (composants inanimés) ont l’avantage d’être stables par rapport aux probiotiques. Et on sait aussi aujourd’hui qu’ils n’agissent pas uniquement au niveau de l’intestin.
Les postbiotiques présentent des structures chimiques précises telles que des enzymes, des peptides, des acides teichoïques, des muropeptides dérivés du peptidoglycane, des polysaccharides, des protéines de surface des cellules et des acides organiques. Ils renferment de nombreuses molécules de signalisation qui pourraient expliquer différents effets physiologiques, telles que des propriétés anti-inflammatoires, anti-oxydantes et anticancérigènes.
Quels rôles jouent les postbiotiques ?
Les postbiotiques influencent le fonctionnement de nos intestins et contribuent au maintien des « bonnes » bactéries tout en tenant les « mauvaises » bactéries à distance. Ils contribueraient à protèger la barrière intestinale et à prévenir l’hyperperméabilité intestinale.
Lire aussi : L’utilité des micro-organismes dans l’alimentation
Enfin voici les synbiotiques
Ce concept plus récent repose sur l’association de prébiotiques et de probiotiques, les premiers stimulant la survie des seconds et les aidant à prodiguer leurs bienfaits dans de bonnes conditions. L’idée est de les associer en misant sur la meilleure synergie entre une ou plusieurs souche.s et « son » ou « ses » prébiotique.s.
Les synbiotiques sont définis comme un « mélange comprenant des micro-organismes vivants et un ou plusieurs substrats utilisés sélectivement par des micro-organismes hôtes conférant un bénéfice pour la santé de l’hôte » (4).
On distingue 2 catégories de synbiotiques :
- les « synbiotiques synergiques » : des symbiotiques dans lesquels le substrat est conçu pour être utilisé de manière sélective par le ou les micro-organismes coadministrés. L’utilisation sélective du substrat par le micro-organisme vivant coadministré doit être démontrée.
- Les « synbiotiques complémentaires » : des synbiotiques composés d’un probiotique associé à un prébiotique, qui vise à cibler les micro-organismes autochtones. Les deux doivent respecter les définitions d’un probiotique et d’un prébiotique.
Dans tous les cas, la sécurité, la caractérisation de la souche et les bienfaits en termes de santé pour l’hôte associés à des conditions d’utilisation spécifiques doivent être démontrés et justifiés.
D’autres biotiques à connaître ?
On entend de plus en plus souvent parler de psychobiotiques, d’immunobiotiques, d’oncobiotique. Qui sont-ils ?
Les psychobiotiques
Ce terme a été utilisé pour la première fois en 2013, suite à la découverte de l’axe intestin-cerveau. De nombreuses recherches sur les liens existant entre la composition du microbiote intestinal et les troubles mentaux (anxiété, dépression) ont mis en lumière l’importance de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques. D’où l’étude de certains probiotiques capables d’influencer le microbiome intestinal et d’améliorer la santé mentale, qu’on appelle des psychobiotiques. Pour l’heure, la compréhension des liens et l’appui thérapeutique des psychobiotiques réclament encore beaucoup recherches. Mais le domaine s’avère prometteur.
Immunobiotiques, oncobiotiques …
Parce que chaque être humain est unique, il possède un système microbien interne qui lui est propre ! Il est donc tentant de penser que l’on puisse influencer la santé générale et un certain nombre de pathologies en agissant sur le microbiome intestinal. De nombreux scientifiques et chercheurs s’attachent aujourd’hui à explorer la santé intestinale et à cibler le potentiel des « biotiques » sur la santé générale. D’où l’émergence de nombreuses dénominations telles que Immunobiotique pour désigner l’influence ou l’effet que peuvent avoir certains biotiques sur le système immunitaire ou Oncobiotique pour évoquer le potentiel d’action des biotiques pour lutter contre des pathologies aussi complexes que le cancer du poumon ou du rein.
La science connaîtra vraisemblablement un véritable progrès de ce côté et les patients bénéficieront plus que probablement de traitements novateurs d’ici quelques années seulement. Mais il y a encore du chemin à parcourir, y compris pour ce qi concerne la reconnaissance légale des effets attribués aux différents « biotiques ».