Edulcorant intense dont la première mise sur le marché date du début des années 1980, l’aspartame n’a cessé de souffler le chaud et le froid. L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a procédé récemment à l’évaluation la plus exhaustive jamais réalisée des risques associés à cet édulcorant. Un travail titanesque qui aboutit… au maintien de la Dose Journalière Acceptable.
Toxicité cérébrale, cancérigène, risque de fausse couche, maladies inexpliquées… le tableau de chasse des méfaits attribués à l’aspartame est impressionnant. Il suffit de parcourir le web pour s’en rendre compte. Et le fait que cet édulcorant soit utilisé depuis une quarantaine d’années, et qu’il soit autorisé dans quelque 90 pays ne change rien à la propagation des rumeurs les plus alarmistes.
Il faut dire que si de nombreux arguments avancés sont peu crédibles, la publication de quelques travaux semant le discrédit sur l’aspartame a fortement ravivé le sentiment de crainte et semé le doute, y compris auprès de bon nombre de professionnels de la santé. à tel point que certains fabricants et distributeurs utilisent la suppression de l’aspartame comme un nouvel argument marketing!
La peur bouscule l’agenda
L’aspartame, comme les autres édulcorants intenses, fait partie des additifs autorisés en Europe: il porte le numéro de code E 951. Pour garantir la sécurité des citoyens, en tenant compte de l’évolution des connaissances, la Commission européenne a institué un programme de réévaluation de tous les additifs alimentaires ayant été autorisés avant 2009. L’aspartame rentre dans ce programme, et son achèvement était initialement prévu pour 2020.
Mais les informations alarmistes sont arrivées aux oreilles de la Commission européenne, qui, en mai 2011, a demandé à l’EFSA d’anticiper la réévaluation de l’aspartame. L’avis final a été reporté à plusieurs reprises, pour être en définitive publié le 10 décembre 2013.
Consultation publique
Les experts du groupe scientifique de l’EFSA sur les additifs alimentaires et les sources de nutriments ajoutés aux aliments (groupe ANS) ont pris en compte l’ensemble des informations disponibles, y compris des données qui n’avaient pas été publiées. Pour ce faire, deux appels publics ont eu lieu, ce qui a permis de recueillir le plus de données. Un premier avis provisoire a été présenté le 8 janvier 2013, suivi d’une consultation publique du 9 janvier au 15 février 2013. Au cours de cette période, l’EFSA a reçu plus de 200 commentaires, qui ont tous été pris en compte pour la préparation de l’avis final.
Sûr, même pendant la grossesse
La conclusion majeure de ce travail inédit de plus de 200 pages est le maintien de la Dose Journalière Acceptable: les experts concluent que la DJA actuelle, c’est-à-dire 40 mg/kg de poids corporel/jour, constitue une protection adéquate pour la population générale. Cette DJA n’est cependant pas applicable chez les patients souffrant de phénylcétonurie (PCU), qui doivent suivre un régime strict pour limiter l’ingestion de phénylalanine, mais cela n’est pas nouveau.
Les experts ont, entre autres, exclu le risque potentiel que l’aspartame provoque des dommages aux gènes ou induise le cancer, et ont conclu qu’il n’entraînait pas de dommage pour le cerveau ou le système nerveux, et qu’il n’affectait pas le comportement cognitif chez les enfants et les adultes.
La grossesse est un état qui doit faire l’objet d’une attention particulière dans l’évaluation des risques toxicologiques. D’autant que certains travaux ont suggéré que la consommation d’aspartame durant la grossesse pouvait accroître le risque de prématurité. Ici aussi, le groupe de scientifiques est clair: il n’y a pas de risque pour le développement du foetus suite à une exposition à la phénylalanine dérivée de l’aspartame à la DJA actuelle (sauf, bien entendu, chez les femmes souffrant de PCU).
Produits de dégradation sous la loupe
L’aspartame est complètement dégradé dans l’intestin en ses trois constituants. L’ESFA s’est intéressée de près à chacun de ces produits de dégradation, pour conclure qu’ils ne posaient pas de problème de sécurité aux niveaux actuels d’exposition.
- La phénylalanine: cet acide aminé présent dans les protéines de nombreux aliments est connu pour être toxique à des niveaux élevés de consommation, en particulier pour le développement du foetus chez les femmes souffrant de phénylcétonurie (PCU).
- Le méthanol: il se trouve en l’état ou peut être libéré par des aliments tels que des fruits et des légumes. Il est également naturellement produit par le corps. Sa toxicité est bien connue lorsque l’exposition est élevée, par exemple suite à la consommation de certains spiritueux distillés à domicile. Les experts de l’EFSA ont conclu que le méthanol issu de l’aspartame représentait une proportion peu élevée de l’exposition totale au méthanol issu de toutes les autres sources.
- L’acide aspartique: cet acide aminé présent dans des protéines peut être converti dans l’organisme en glutamate qui, à très hautes doses, peut avoir des effets nocifs sur le système nerveux. Cependant, les experts de l’EFSA n’ont noté aucune preuve de neurotoxicité associée à l’aspartame et concluent que l’acide aspartique dérivé de l’aspartame ne pose pas de problème de sécurité pour les consommateurs.
FIA 22_Mars 2014
Références: Valeurs moyennes, en mg/kg de poids corporel et par jour pour un adulte. EFSA Journal, 2013; 11(12): 3496 [263pp].