L’équipe de Patrice Cani (Louvain Drug Research Institute, UCLouvain), est la première à expliquer pourquoi l’axe intestin cerveau est altéré lors d’une surconsommation de graisses chez une personne en surpoids. En clair: l’intestin n’arrive plus à dire au cerveau: «stop, je n’ai plus faim!»
En situation de poids normal, la consommation de graisse est régulée par l’axe intestin-cerveau: l’intestin envoie des messages au cerveau pour qu’il arrête la prise alimentaire. Un maillon essentiel de cette autorégulation est une enzyme, dont les rôles sont mis en lumière aujourd’hui par l’équipe du Professeur Patrice Cani et des scientifiques canadiens, français, italiens et hollandais. Ces résultats sont publiés dans la revue scientifique Nature Communications.
Trop de gras fatigue l’enzyme de l’intestin
Concrètement, un régime riche en graisse induit à long terme la baisse d’activité de l’enzyme NAPE-PLD (ou N-acylphosphatidylethanolamine phospholipase D). Résultat, le corps ne réagit plus correctement à cette surconsommation de gras et le sujet grossit. Les expériences de laboratoire des chercheurs de l’UCL démontrent que les souris qui n’ont plus cette enzyme intestinale développent une stéatose hépatique et deviennent obèses, tout en dépensant moins d’énergie.
Par ailleurs, si l’on expose des souris génétiquement modifiées (et privées de l’enzyme) à un régime riche en graisse, les animaux consomment davantage de nourriture que des souris normales exposées aux mêmes conditions.
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Le cerveau ne reçoit plus l’information sur la faim
Comment explique-t-on ce phénomène? En l’absence de cette enzyme (ou si son activité est réduite avec une forte exposition de lipides), le cerveau reçoit moins de signaux anorexigènes de la part de l’intestin. Les neurones en question de l’hypothalamus sont donc moins activés et la dépense d’énergie au repos est également diminuée.
En conséquence, l’ingestion de nourriture augmente, la dépense d’énergie baisse, c’est la prise de poids. À l’occasion de cette recherche, les doctorants Amandine Everard, Hubert Plovier et Marialetizia Rastelli, trois chercheurs FNRS de l’équipe de Patrice Cani, ont aussi découvert que cet état métabolique va à son tour perturber le microbiote de l’hôte, renforcant le cercle vicieux de l’obésité.
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C’est ici qu’entre en scène la bactérie Akkermansia, très étudiée par l’équipe du Professeur Cani dans la lutte contre l’obésité et le diabète. En effet, l’administration de cette bactérie chez les souris qui ont perdu la précieuse enzyme, permet de réduire la stéatose et de manger moins. Et cela passe par une restauration du dialogue, via le message «stop, je n’ai plus faim». Des découvertes qui ouvrent la porte à de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles actuellement testées par plusieurs laboratoires pharmaceutiques.
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